La Flamme de Jonathan Cohen, Jérémie Galan et Florent Bernard
L’acteur réalise sa première série
L’hiver dernier, Jonathan Cohen tournait, devant et derrière la caméra, La Flamme, une série Canal+ qui parodie l’émission de téléréalité Le Bachelor. Avec autour de lui une distribution féminine qui affole les compteurs !
A l’origine, il une websérie produite par Ben Stiller : Burning Love, diffusée sur Yahoo en 2012 avant de débarquer sur la chaîne E!. Ken Marino y jouait Mark, un pompier un peu neuneu que s’arrachaient treize candidates dans le cadre d’un jeu de téléréalité type Le Bachelor. On y croisait Kristen Bell en croyante illuminée, Malin Åkerman en sans-abri, Carla Gallo en aveugle et même Ben Stiller et sa vraie femme Christine Taylor en gagnants de la précédente saison du show ! Une série déglinguée, parfaitement dans le style Stiller, passée un peu inaperçue en France mais qui avait tapé dans l’oeil de Jonathan Cohen. Nous avions retrouvé, fin 2019, ce dernier sur les planches du Théâtre Michel à Paris, où l’essentiel du casting féminin l’entourait pour tourner la scène durant laquelle notre célibataire (francisé en « Marc » et désormais pilote de ligne) accueille les prétendantes. Il fallait se frotter les yeux pour le croire : Jonathan Cohen donnant la réplique à Leïla Bekhti, Adèle Exarchopoulos, Florence Foresti, Camille Chamoux, Doria Tillier, Céline Sallette, Géraldine Nakache, Ana Girardot ou la verte octogénaire Marie-Pierre Casey (si, si !), toutes rivées à son oeil qui frise et à son ton ironique ! La crème des actrices françaises au rendez-vous de cette série comique qui semblerait confirmer l’irrésistible montée en puissance de Jonathan Cohen. « Notre casting est incroyable, c’est un miracle », se félicitait en aparté le coauteur et coréalisateur de La Flamme.
Actrices en folie
Pour adapter Burning Love, Jonathan Cohen n’était en effet pas tout seul : à ses côtés, le fidèle Jérémie Galan (également coréalisateur), avec qui il a créé la série France Kbek en 2014, et Florent Bernard, un ancien membre du collectif Golden Moustache. Les trois larrons se sont approprié le concept d’origine pour en faire quelque chose qui leur ressemble. « Nous avons écrit deux épisodes supplémentaires [neuf au lieu de sept] et modifié plein de situations existantes, nous précisait Cohen. Par exemple, la “pool party” de l’épisode 3 est devenue une compétition aquatique. On la met en boîte demain, ça va être une galère, avec mille plans à tourner ! C’est là que tu te dis que quand tu veux améliorer les choses, tu te mets dans la merde tout seul… » Moulée dans un pantalon brillant ultra sexy, Camille Chamoux interprète, selon ses dires, « une femme très libre ». Elle nous communiquait son enthousiasme sur l’adaptation écrite par le trio. « Je trouve leur version plus drôle que l’originale. Le fameux épisode 3 devrait être magistral ! Ils ont eu par ailleurs l’intelligence de reprendre les archétypes américains qui étaient bien trouvés. »
« Ils poussent les personnages franchement loin dans la caricature mais sans perdre de vue leur sincérité, j’adore », ajoutait de son côté Dora Tillier, qui joue une angoissée « qui pleure tout le temps ». À l’instar de son compère, Jérémie Galan ne tarissait pas d’éloges sur les actrices retenues. « En termes de pedigree, c’est du lourd ! (Rires.) Il a d’ailleurs fallu adapter le planning à leurs emplois du temps surchargés : sur neuf semaines de tournage, nous n’en avons que deux où elles sont toutes présentes. » Cette disponibilité, variable selon les intéressées, a quelque peu chamboulé les visions initiales. « Les agendas de chacune ne permettaient pas de leur attribuer les rôles prévus ou tels qu’on les avait imaginés, indiquait Jonathan Cohen. Vous verrez à l’arrivée que certaines sont dans des contre-emplois et d’autres dans des rôles a priori sur mesure. Le plus compliqué a été de trouver celle qui jouerait la candidate âgée. Une directrice de casting nous a orientés vers Marie-Pierre Casey dont nous sommes tous tombés amoureux. » Tiens, l’inoubliable concierge de la série des années 80 Marc et Sophie passait par là. « Tous les espoirs sont permis ! », s’écria-t-elle à l’écoute du compliment de Cohen avec son inimitable voix traînante.
Souplesse exigée
Ce jour-là, une seule actrice manquait à l’appel. Il s’agit de Laure Calamy dont Doria Tillier nous confiait qu’elle incarnait une sorte de dévote, « déjà dans une relation avec Jésus ». Une composition fantasque digne de l’abattage comique de celle qui s’est rendue populaire en jouant l’assistante de Thibault de Montalembert dans Dix pour cent. « Comme elle était prise par un autre tournage aujourd’hui, nous avons filmé toutes ses réactions très tôt ce matin avant de venir au Théâtre Michel », racontait Jonathan Cohen, un peu stressé par la fin du tournage. « Il nous reste une semaine pour faire tous les extérieurs avec les filles. On a une scène d’hôpital où l’on sait qu’il faut mettre en boîte dix à onze
ON ESSAIE D’ÊTRE CRÉATIFS EN PERMANENCE, QUE CE SOIT AU CADRE OU AVEC LES ACTRICES. JONATHAN COHEN
minutes utiles en seulement deux jours. Avec l’augmentation graduelle de ces minutes utiles monte également la pression… » Il en aurait fallu cependant plus pour décourager l’acteur et son coréalisateur Jérémie Galan, parfaitement complémentaires. « Notre vision est ultra précise et raccord, affirmait ce dernier. Nous sommes un peu comme une hydre à deux têtes. Jonathan passe parfois derrière la caméra mais, globalement, il dirige les actrices du plateau même et moi, du combo. » « C’est assez fluide et instinctif, appuyait Cohen. Nous définissons ensemble les cadres et, quand je vais au combo, c’est pour améliorer des choses que Jérémie ne voit pas ou qu’il me signale. On essaie d’être créatifs en permanence, que ce soit au cadre ou avec les actrices. Il n’y a pas une ligne de dialogue qui n’ait été modifiée par nos échanges avec elles. C’est bête, je trouve, de ne pas prendre l’espace du plateau comme un espace de création. » Lors d’une prise (ils en font pas mal), Adèle Exarchopoulos éclate de rire, provoquant une réaction en chaîne. Un « incident » qui amène une question : comment arriver à maintenir la même énergie, la même concentration avec autant de personnages à l’écran ? « Ce n’est pas très compliqué à gérer, expliquait Jonathan Cohen. Les filles s’entendent toutes très bien et s’adaptent en temps réel aux improvisations. » La même souplesse est adressée aux techniciens, cadreurs en tête. « On a demandé à nos cadreurs d’être autonomes, poursuivait Cohen. “Si vous voyez une intention intéressante, vous y allez, vous zoomez, dézoomez de façon à ce que l’image soit toujours vivante”, leur a-t-on dit. À l’arrivée, ils s’éclatent ! » Le but recherché est de donner l’impression d’une émission de téléréalité en train de se dérouler sous nos yeux, comme nous le confirmait Jérémie Galan. « La lumière sera assez plate et la caméra un peu documentaire, comme si elle était cachée par moments ; au montage et en postproduction, on ajoutera des ralentis pourris et de la musique – qui sera omniprésente. Notre intention n’est pas que cela ressemble à une suite de sketchs ou à une franche parodie. Il faut que les gens y croient. » Les spectateurs jugeront sur pièce, courant octobre sur Canal+.