Première

BAC NORD, C’EST L’HISTOIRE DE TROIS TYPES BROYÉS PAR LA MACHINE

Rencontre avec Gilles Lellouche et François Civil, réunis pour la première fois devant la caméra de Cédric Jimenez.

- u PAR TC & CN

La triste année 2020 a au moins eu le mérite de démocratis­er les rencontres virtuelles. Sans cela, aurait-on pu réunir aussi facilement Gilles Lellouche, en tournage à Vilnius (Lituanie) du nouveau film de Jérôme Salle, Kompromat, et François Civil ? Les deux acteurs ne se sont en tout cas pas fait prier pour répondre à nos questions sur BAC Nord, le thriller de Cédric Jimenez dans lequel ils campent brillammen­t, avec un troisième larron, Karim Leklou [lire page 36], des flics de la BAC Nord de Marseille, en butte à la grande délinquanc­e et à leur hiérarchie. L’occasion pour eux de revenir sur cette expérience profession­nelle et surtout humaine.

PREMIÈRE‰: Cédric Jimenez vous a tous les deux choisis sans vous faire passer d’essais. Est-ce la bonne façon de vous mettre dans les meilleures conditions ?

GILLES LELLOUCHE‰ : Pour moi, c’est la continuité d’un travail entamé avec La French. Cédric m’a parlé très tôt du projet, avant même qu’il ne l’écrive…

FRANÇOIS CIVIL‰: De mon côté, c’est récent qu’on me fasse des propositio­ns fermes. Je sais que pour ce rôle, Cédric avait envisagé à un moment de faire du casting sauvage à Marseille, avant que mon nom ne sorte. Je l’ai rencontré avant de lire le scénario. Et sur cette simple première rencontre, j’avais le feeling que j’allais dire oui. En raison de son énergie, de sa vision, de sa manière de parler de cette histoire. La lecture a achevé de me convaincre : pour son efficacité et parce qu’il y avait de la marge pour insuffler de la vie à ce trio.

GL‰ : Pour rebondir sur l’énergie dont tu parles, je me souviens de ma première rencontre avec Cédric juste avant La French. J’y allais un peu à reculons, car j’avais fait beaucoup de polars. Je n’avais pas très envie de faire le film, mais son énergie était tellement bouillonna­nte, il m’a tellement noyé de phrases, de paroles sur ce qu’il allait faire que j’en suis reparti en me disant que soit ce type était un grand metteur en scène en devenir, soit c’était le plus grand mytho que j’avais pu rencontrer ! J’ai décidé de le suivre mais j’avais dit à Jean [Dujardin] que je comprendra­is s’il décidait de ne pas tourner le film.

FC‰: On a envie de suivre Cédric au bout du monde. Même si on ne comprend pas tout, tout le temps.

Gilles, vous a-t-il parlé des autres acteurs qui étaient envisagés ? Votre approbatio­n comptait-elle ?

GL‰ : Il m’a parlé très tôt de François, puis de Karim [Leklou], mais pas pour que j’approuve. Il se trouve que j’étais fou de joie à l’idée de travailler avec eux. Après, dans l’absolu, j’aurais pu en effet mettre mon veto. Je ne suis pas l’abbé Pierre, il y a forcément des gens que j’estime plus que d’autres. Mais c’est idiot de raisonner comme ça : on ne connaît jamais quelqu’un de A à Z.

François, comment a réagi Cédric Jimenez quand vous lui avez proposé de prendre une pointe d’accent marseillai­s ?

FC‰ : Il y a eu une espèce de non-dit à ce sujet. Je savais que, pour Cédric, mon personnage était celui qui avait grandi dans les quartiers Nord, comme le flic dont il est inspiré. Mais je ne savais pas vraiment s’il voulait que je prenne cet accent ou pas. Du coup, un jour, j’ai pris mon téléphone pour en parler. Je lui ai dit que j’essaierais, puis j’ai bossé dans mon coin. Aller le voir pour lui faire une propositio­n a été source de stress, mais ça a suffi à le convaincre.

GL‰ : Cédric est très ouvert par rapport à ça. Chacun de nous a pu s’approprier son

rôle, remodeler son profil, sa vie familiale. Les personnage­s du film ne sont plus tout à fait ceux qui sont dans le scénario. On a tous vite compris qu’il fallait s’éloigner des clichés des flics avec moustaches et vestes en cuir. On voulait faire quelque chose de plus humain, voire de plus enfantin. Mais je veux souligner l’audace de François, car sur La French, je n’avais pas eu, moi, le culot de prendre l’accent alors que mon personnage était un pur produit marseillai­s. Je craignais d’abîmer le film si je le faisais mal. Ce que fait François avec l’accent est extraordin­aire car on ne se pose pas une seconde la question de sa véracité.

FC: C’est aussi parce qu’on est parti sur un truc léger.

GL : Mais que ce soit l’accent pour toi ou la décision de porter des boucles d’oreille pour moi, ce sont des choses qui nous font rentrer dans les personnage­s. Et ce n’est pas si commun de tenir de tels rôles de compositio­n en France.

Ce film parle des policiers, sujet sensible dans le monde d’aujourd’hui. Est-ce qu’on lit le scénario en s’interrogea­nt sur la manière dont le film va s’inscrire dans le débat autour de cette question ?

GL: Les débats sur les réseaux sociaux me fatiguent. Je ne crois pas que le film soit sujet à polémique, il raconte ce qu’il a à raconter, point. On peut toujours trouver un moyen de polémiquer mais je m’en contrefous. Être anti-flics aujourd’hui alors qu’on les célébrait au moment du Bataclan n’a pas de sens pour moi. On manque d’objectivit­é et de justesse. Je ne suis ni pro ni anti-flics. Je veux juste que les gens soient éclairés sur la complexité de ce métier ; comme sur la complexité de vivre en banlieue aujourd’hui. Je n’ai pas de camp à choisir. BAC Nord raconte l’histoire de trois types broyés par une machine qui donne des ordres un jour et des contre-ordres le lendemain.

FC : Aujourd’hui, on veut faire de tout quelque chose de politique. Ici, ce n’est pas politique mais sociétal : le film nous renvoie un miroir de la France à travers des fonctionna­ires de police.

Gilles, qui est le boss de cette BAC, était-il aussi le chef de bande sur le plateau ?

FC : Total patron ! (Rires.) Une vraie rencontre. Depuis que je suis tout jeune, excuse-moi Gilles, je suis son parcours et j’admire le risque qu’il prend à faire des polars quand c’est moins à la mode, puis à changer de registre en tournant des films comme Pupille… Sur le plateau, il faisait autant de propositio­ns pour son personnage que pour les nôtres. Il pesait aussi plus que nous face à Cédric. Il mettait moins les formes.

GL: Pour moi, c’était très revigorant de voir la concentrat­ion de François. Tu lui parles de n’importe quoi, il va s’enfermer dans sa loge, prendre son téléphone et regarder tout ce qu’il trouve sur le sujet pour pouvoir bien en parler. C’est quelqu’un de très en alerte et de vivant. Karim, c’est un acteur d’un instinct incroyable qui n’est jamais là où on l’attend. J’ai surfé sur leur énergie, c’était comme un bain de jouvence.

Question transmissi­on, la génération de Depardieu se plaignait que celle qui l’avait précédée ne lui ait pas tendu la main. Daniel Auteuil expliquait,lui, qu’il l’a fait en prenant de l’âge, quand il ne voyait plus les autres comme des concurrent­s. C’est ce que vous avez ressenti ?

GL : Il n’y a pas non plus beaucoup d’acteurs de la génération précédente qui m’ont tendu la main. C’est une tradition, apparemmen­t… Je trouve ça complèteme­nt con. La seule chose que je peux entendre là- dedans, c’est le refus du temps qui passe. On a

"ON A ENVIE DE SUIVRE CÉDRIC AU BOUT DU MONDE. MÊME SI ON NE COMPREND PAS TOUT, TOUT LE TEMPS." FRANÇOIS CIVIL

toujours l’impression qu’on est resté bloqué à 38 ans ! Après, soit on est lucide et on accepte de nouveaux emplois, soit on se croit l’éternel jeune premier. Je préfère évidemment la première hypothèse. Elle permet d’ouvrir les yeux sur le monde qui nous suit. Et il est beau le monde qui nous suit ! Je prends plus de plaisir à regarder ces jeunes qu’à vivre mon film tout seul dans mon coin, comme un couillon. Tu apprends de leur façon différente d’approcher le métier et tu te nourris de leur rage, tout en partageant modestemen­t ton expérience.

FC : Il ne faut jamais perdre de vue que le cinéma est une aventure collective et que, sans les autres, on n’est rien. C’est très bateau, mais très juste. Il y a des gens comme Gilles qui l’ont compris et abordent chaque film avec un oeil neuf et l’envie de faire voler en éclats leurs acquis. D’autres sont plus centrés sur eux-mêmes.

Vous avez tous les deux abordé ce métier en bande. Celle de Guillaume Canet pour Gilles, et celle de Pierre Niney pour François. C’est essentiel dans un métier de solitaire ?

GL : Je dirais qu’on exerce plutôt un métier collectif dans lequel on peut se retrouver très seul. Je suis actuelleme­nt à Vilnius, dans une chambre d’hôtel, avec mon texte à apprendre, sans famille ni potes. Ça va durer pendant plus de deux mois. Sur BAC Nord, c’était l’inverse : on formait une vraie famille 24 heures sur 24. Avec François, j’ai l’impression qu’on aime la meute et l’euphorie qui en découle. Ce n’est pas pour rien que j’ai réalisé Le Grand Bain. Pour répondre plus précisémen­t à votre question, je n’ai jamais été fasciné par les stars solitaires, j’ai toujours trouvé ça plus pathétique qu’enivrant. C’est une question de nature.

Dans la bande, on ne monte pas tous au même niveau, tout de suite. En souffre-t-on ?

GL : Je n’ai jamais été jaloux du succès de mes petits camarades, je l’ai toujours vécu comme quelque chose de galvanisan­t. Quand je voyais Marion [Cotillard], que je connaissai­s depuis quinze ans, recevoir son Oscar, j’étais admiratif de ce qu’elle avait accompli. Ça me poussait vers le haut. J’ai connu des gens aigris, mais c’était parce qu’ils ne travaillai­ent pas. Dès lors que tu as la chance de t’exprimer, il faut savourer. Après, tu auras toujours quelqu’un qui réussit mieux que toi, qui fait du cinéma d’auteur alors que tu es coincé dans la comédie, et inversemen­t. Si tu t’y attardes, tu n’en sors jamais.

FC: On est tous des Salieri dans la vie, avec un Mozart au-dessus de nous ! (Rires.) Une fois qu’on a accepté ça, on peut avancer.

Pour certains, c’est la rencontre avec un prof qui a bouleversé leurs vies. Pour Cédric Jimenez, gamin des quartiers nord de Marseille, c’est un patron de vidéoclub qui lui a donné le goût du cinéma. « J’avais 12 ans. Il m’a fait découvrir des oeuvres que je n’aurais jamais regardées seul. Je suis devenu fou du cinéma américain des années 70. » Mais en faire, il n’en est alors pas question. « C’était une autre planète. Je ne m’autorisais même pas y penser. » Et puis, à 19ans, il décide de quitter Marseille. « Je commençais à faire des conneries. J’ai décidé de partir pour New York. » Il y bosse comme serveur et, un soir, tout bascule. Il se fait repérer et se retrouve peu après photograph­ié avec Kate Moss par Steven Meisel pour une pub Calvin

Klein. Le point de départ d’une carrière de mannequin qui le conduira devant les objectifs de Richard Avedon, Paolo Roversi, Mario Testino…

« À ce moment-là, j’ai vécu un truc de dingue.

Le métier ne me passionnai­t pas totalement, mais il a créé chez moi une relation particuliè­re à l’image. Et j’ai intégré un monde où plein de choses inaccessib­les devenaient possibles. »

Ainsi, à 24ans, quand il arrête le mannequina­t, il investit son argent dans une société de production où il s’associe avec JoeyStarr.

« Je me suis payé mon apprentiss­age en quelque sorte. »

Il en vient à produire des fictions comme Scorpion et Eden Log, avec un peu de frustratio­n. « La gestion n’était pas mon fort. Ce que j’aimais, c’était être sur les plateaux de tournage. À force d’y aller, ça a désacralis­é la figure du réalisateu­r. Je me suis senti autorisé à franchir le pas. » Ce qu’il fait en 2012 avec Aux yeux de tous, un thriller filmé à l’aide de caméras de surveillan­ce et de webcams. « Un film fait à l’arrache.

Mais je me suis senti à ma place. »

Le producteur de La Môme, Alain

Goldman, demande à le rencontrer.

Jimenez lui parle de son intérêt pour le tragique destin du juge Michel.

Goldman dit banco. Ce sera La French. Un vrai quitte ou double avec son budget de 18millions d’euros. Mais le film s’en sort plus qu’honorablem­ent et connaît un succès d’estime outre-Atlantique où Hollywood se met à faire les yeux doux au réalisateu­r. « J’ai reçu beaucoup de scénarios et j’ai dû faire des choix. J’ai refusé Comancheri­a pour continuer l’histoire avec Alain. » Goldman lui propose alors d’adapter HHhH, le roman de Laurent Binet, qui sera son premier film en anglais… au destin moins flamboyant. Car parmi les financiers du film, il y a Harvey Weinstein dont l’affaire éclate au même moment. La date de sortie est sans cesse repoussée. La dynamique se casse. « J’ai été déstabilis­é. »

Les Américains continuent à bosser avec lui. Il se remet à écrire deux films, dont l’un avec Mark Wahlberg. « Je gagnais bien ma vie, mais moi qui n’aimais rien tant que les plateaux de tournage, je me sentais frustré. » Finalement, une discussion avec le producteur Hugo Sélignac va relancer la machine. « Il m’a demandé si j’avais un projet en tête et je lui ai parlé de ces membres de la BAC de Marseille déférés en 2012 en correction­nelle pour trafic de stupéfiant­s et rackets », tout en précisant au producteur qu’il ne connaît pas tous les tenants et les aboutissan­ts de cette histoire. Mais Hugo Sélignac a les contacts nécessaire­s. En rencontran­t ces policiers, Jimenez voit le film qu’il peut en tirer: « Raconter, sans se faire juge ou procureur, Marseille, une ville chaude dans tous les sens du terme, à travers un film d’action car la BAC est une police d’action chargée d’adrénaline. » Un retour sur un plateau comme un retour à la vie.

J’ajouterais que la réussite de mes camarades, je la prends aussi un peu pour moi, comme quand Pierre [Niney] a remporté le César pour Yves Saint Laurent. Il faut être philosophe, savoir se contenter de travailler comme dit Gilles. Même si on est tous des êtres d’ambition qui rêvons d’avoir de beaux rôles en permanence.

Vous parliez, Gilles, des stars solitaires. Mais, même Bébel et Delon, au plus fort de leur star-power, s’entouraien­t des mêmes réalisateu­rs, des mêmes technicien­s, des mêmes acteurs.

GL : En l’occurrence, ce sont des acteurs, avec tout le respect que j’ai pour eux, qui sont restés prisonnier­s du système qu’ils avaient mis en place. Même si Belmondo a toujours tendu la main aux nouvelles génération­s. La bande, c’est bien, à condition d’en sortir, d’aller se frotter à d’autres univers, d’autres partenaire­s. La maîtrise absolue des choses est, de mon point de vue, un frein à l’expression. Le trac est un mal nécessaire.

À propos de trac‰: l’avez-vous eu en tournant la monumental­e scène d’assaut au milieu du film dont tout le monde va parler ?

FC : On l’a beaucoup préparée. Il faut savoir qu’elle représente quinze jours de tournage, un vrai film dans le film, avec 150 figurants. Je m’étais bien entraîné, ce qui ne m’a pas empêché de me claquer la cuisse le premier jour en tapant un sprint ! (Rires.) J’ai un peu boité ensuite.

GL: J’aimerais bien boiter comme lui, hein ! (Rires.)

FC : Ce qui était intéressan­t, c’est la façon dont Cédric a fait sa mise en place. On jouait sans savoir où étaient les caméras pendant cinq minutes d’affilée, chose rare au cinéma où tout est très découpé. On était constammen­t surpris par ce que faisaient les autres, il y avait un effet d’entraîneme­nt dingue. Les figurants, qui n’en étaient pas vraiment puisqu’ils avaient de vraies interactio­ns avec nous, ont été exceptionn­els, ils se prenaient au jeu comme nous. À la fin de chaque prise, tout le monde était heureux, on se tombait dans les bras les uns des autres.

GL: On avait le sentiment qu’on avait fini le film alors qu’on venait seulement de commencer. C’était une lessiveuse, ces quinze jours ! On ne s’est posé aucune question. Pas de psychologi­e, il fallait foncer, suivre Cédric. Quand ça canardait dans l’appartemen­t, avec des balles à blanc, je peux vous assurer qu’on croyait qu’on allait mourir !

FC : Le gars des flingues est venu voir Gilles. Il lui a dit : « Il va y avoir des rafales d’Uzi, tu veux des boules Quiès ? » Gilles a répondu non. Forcément, j’ai suivi. À la première rafale, Gilles et moi nous sommes regardés, complèteme­nt déphasés. Ça nous avait explosé les tympans ! (Rires.) On a couru récupérer des boules Quiès du coup.

Cette scène d’assaut renvoie à celle des Misérables. Cédric Jimenez nous a dit qu’il n’avait pas voulu voir le film de Ladj Ly avant de tourner. Et vous ?

GL: Une anecdote, d’abord. J’ai été invité à un anniversai­re au mois d’avril 2019, cinq mois avant d’entamer le tournage de BAC Nord. Il y avait notamment Kim Chapiron de Kourtrajmé qui me parle d’un film sur des mecs de la BAC, en banlieue parisienne. Il m’assure que c’est un chef-d’oeuvre. Les Misérables va à Cannes et rencontre ensuite le succès qu’on connaît. Autant vous dire que nous avions le spectre de ce film au-dessus de nos têtes. Cédric nous a demandé de ne pas le voir pour être totalement sereins. Il a eu raison.

FC: Qu’aurait-on gagné à le voir en amont ? C’était perdant-perdant. Soit on se trahissait si c’était trop similaire, soit on se mettait une pression dingue pour être à la hauteur.

Je l’ai vu depuis. Visuelleme­nt, c’est très différent. Il y a un côté plus documentai­re dans Les Misérables et un côté fiction plus assumé dans BAC Nord. Eux parlent plus de la bavure et de la violence qu’elle engendre et nous de la faillite du système judiciaire et de la République vis-à-vis des quartiers.

On vit une époque compliquée où l’exploitati­on des films est menacée. Quel est votre rapport à la salle ?

GL: Je reste un amoureux de la salle, pour l’expérience collective. On peut aussi se féliciter que, pour des raisons économique­s, certains films d’auteur voient le jour grâce aux plateforme­s. Seront-ils meilleurs pour autant ? Ça reste à vérifier. Je n’en ai pas vu énormément de délirants pour l’instant. J’espère idéalement que les salles et les plateforme­s vont coexister le plus longtemps possible. Je serais très malheureux qu’il n’y ait plus de films en salles.

FC : D’accord avec le patron ! (Rires.) J’ai l’impression que Netflix a produit Scorsese et Cuarón pour se donner une légitimité. Il y a peu de cinéastes qui percent sur les plateforme­s par ailleurs. L’expérience collective dont parle Gilles me paraît primordial­e, sinon chacun reste chez soi, c’est un peu déprimant.

Que pensez-vous de la sortie internatio­nale de BAC Nord sur Netflix alors ?

GL: Je suis très partagé. C’est une grande liberté et une chance pour le producteur Hugo Sélignac d’amortir les risques qu’il a pris avec le film. Je constate pour ma part que Le Grand Bain a été vendu dans environ 80 pays, j’ai été le défendre un peu partout et, globalemen­t… il n’a marché nulle part à l’exception des territoire­s francophon­es. Qu’aurais-je préféré ? Que le film soit vu par des millions de personnes dans le monde sur Netflix ou que je fasse mon VRP de luxe dans plusieurs pays ? Dans le contexte qu’on vit, les plateforme­s sont salvatrice­s, c’est indiscutab­le. Mais attention ! Ce repli sur soi qui nous est imposé est dangereux. On a besoin d’aller vers l’autre, d’échanger. Je ne suis pas inquiet, sauf pour les exploitant­s qui tirent la langue.

J’AI SURFÉ SUR L’ÉNERGIE DE FRANÇOIS ET KARIM, C’ÉTAIT COMME UN BAIN DE JOUVENCE.„ GILLES LELLOUCHE

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ?? Karim Leklou, François Civil, Cédric Jimenez et Gilles Lellouche sur le tournage de BAC Nord
Karim Leklou, François Civil, Cédric Jimenez et Gilles Lellouche sur le tournage de BAC Nord
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ?? BAC N ORD
De Cédric Jimenez • Avec Gilles Lellouche, François Civil, Karim Leklou… • Durée 1 h 40 • Sortie prévue le 23 décembre
BAC N ORD De Cédric Jimenez • Avec Gilles Lellouche, François Civil, Karim Leklou… • Durée 1 h 40 • Sortie prévue le 23 décembre

Newspapers in French

Newspapers from France