JE SUIS UN AVENTURIER
Ce quatrième des cinq westerns tournés par Anthony Mann avec James Stewart, scénarisé par le génial Borden Chase, est peut-être le plus beau.
Entre 1950 et 1955, Anthony Mann réalise cinq westerns mythiques avec James Stewart : Winchester 73, Les Affameurs, L’Appât, Je suis un aventurier et L’Homme de la plaine. Les deux hommes y définissent le personnage de l’antihéros de western, solitaire et égoïste, par opposition aux cow-boys/soldats fordiens définis par leur altérité et leur sens du bien commun. Dans tous ces films, James Stewart joue contre lui-même : contre l’image d’Américain moyen romantique forgé au cours des années 30 auprès de Frank Capra, Ernst Lubitsch ou George Cukor. La guerre y est sans doute pour quelque chose, Stewart ayant activement combattu et reçu nombre de distinctions pour son courage. Fini les gentils idéalistes, place aux durs à cuire ! C’est lui qui suggéra à Universal le nom d’Anthony Mann, fameux pour ses séries B brutales, pour réaliser Winchester 73 après la défection de Fritz Lang. Une intuition de génie qui nous conduit donc à Je suis un aventurier (1954), dans lequel le tandem est bien rodé. Stewart incarne un cow-boy opportuniste qui accepte de convoyer le troupeau d’une femme d’affaires (Ruth Roman) jusqu’au Canada où convergent les chercheurs d’or. Confronté à l’adversité (un propriétaire revanchard, le froid, les avalanches…), Jeff Webster fendra-t-il l’armure ? C’est l’enjeu du merveilleux script de Borden Chase, qui maintient le suspense psychologique de bout en bout, servi par la mise en scène à la fois lyrique et percutante de Mann. Le dénouement risque même de vous arracher des larmes.