LE DISCOURS
Vous l’aviez aimé dans Le Sens de fête et Mon inconnue ? Vous allez adorer Benjamin Lavernhe, déployant son talent comique dans cette séduisante adaptation du roman de Fabrice Caro où le réalisateur Laurent Tirard se réinvente.
Les éclats de rire qui ont ponctué sa toute première projection publique en septembre dernier, lors du festival du film francophone d’Angoulême, et la très longue standing ovation qui a suivi forment le meilleur des présages pour le film de Laurent Tirard (corroboré par l’obtention du label Cannes 2020). Le Discours est né d’une envie de faire en quelque sorte un deuxième premier film, après des projets plus imposants en termes de moyens (Le Petit Nicolas, Astérix et Obélix : Au service de Sa Majesté, Un homme à la hauteur, Le Retour du héros…). De revenir à cet effet de surprise qui avait prévalu à la découverte de Mensonges et trahisons et plus si affinités… Adaptation du roman éponyme de Fabrice Caro (l’auteur de la BD Zaï zaï zaï zaï qui sera, elle aussi, portée à l’écran en 2021), qu’on pensait inadaptable à sa lecture, Le Discours met en scène un trentenaire, Adrien, attablé dans un dîner de famille d’autant plus interminable que son esprit vagabonde ailleurs, dans l’attente d’une réponse par SMS de sa copine, avec laquelle il est en pleine séparation. Et dans l’angoisse par avance de ce que vient de lui demander le compagnon de sa soeur : faire un discours à leur mariage qui approche à grands pas.
VARIATION VIRTUOSE. Sur ce point de départ sans grande surprise, Laurent Tirard propose une variation virtuose et génialement ludique, truffée de trouvailles de mise en scène en adéquation avec l’esprit d’Adrien, qui ne cesse de se promener entre passé (les souvenirs des moments doux et joyeux avec sa compagne dont il ne veut pas faire le deuil), présent (l’attente angoissante de la réponse à son texto comme un possible redémarrage d’une histoire « en pause » et les questionnements sans fin qui vont avec) et futur (ses projections autour de son discours à venir et des réactions qu’il imagine dans la salle). Adrien s’y déploie en trois dimensions : lui-même, son double venant lui donner des conseils façon Jiminy Cricket et en tant que narrateur de cette histoire face caméra. Pourtant, jamais Le Discours ne tombe dans le piège du pur film-concept, de l’exercice de style dévitalisé aux mains d’un réalisateur qui surplomberait ce récit et ses personnages. Il en est même l’antithèse par sa fluidité, son refus de casser les cadres qui pourraient l’y enfermer et cette manière subtile d’évoquer toutes ces petites habitudes de la vie (en amour, en famille…) qui nous horripilent jusqu’au jour où on en devient profondément nostalgique.
GÉNIE DE LA COMÉDIE. Hilarant, Le Discours se révèle aussi, dans sa dernière ligne droite, incroyablement émouvant, sans qu’on l’ait vu venir. Ce tour de magie doit beaucoup à son interprète principal, Benjamin Lavernhe. Un génie de la comédie qu’on avait déjà adoré dans Radiostars de Romain Lévy, Le Sens de la fête d’Olivier Nakache et Eric Toledano et Mon inconnue de Hugo Gélin (avec deux nominations aux César à la clé en meilleur espoir masculin et en second rôle). Un comédien capable de ruptures insensées avec un naturel qui lui donne toujours un coup d’avance. Un sociétaire de la Comédie-Française qui ne raisonne jamais à la première personne, même ici, dans ce qui constitue le premier rôle en tête d’affiche de sa carrière. Lavernhe est à rebours de la notion de performance, jamais dans la démonstration, le tour de force. Au contraire, c’est un comédien toujours au service du texte, des situations, et des échanges avec ses partenaires (casting totalement réussi : Sara Giraudeau, Julia Piaton, François Morel, Kyan Khojandi, Guilaine Londez dans les rôles les plus importants ; Marilou Aussilloux, Christophe Montenez, Sébastien Chassagne, Adeline d’Hermy pour de plus courtes vignettes). La virtuosité élevée au rang d’art.
ALLEZ Y SI VOUS AVEZ AIMÉ Mensonges et trahi sons et plus si affinités ...(2004),(500) jours ensemble (2009), Moninconnue (2019)
Pays France • De Laurent Tirard • Avec Benjamin Lavernhe, Sara Giraudeau, François Morel...
• Durée 1 h 27