TomJones (1963), LesAventuresdubaron deMünchhausen (1988), LesFillesdudocteurMarch (2020)
Le réalisateur d’In the Loop et créateur de The Thick of it revisite l’oeuvre de Charles Dickens et signe un film ludique, lumineux et enthousiasmant.
Armando Iannucci excelle dans la satire ironique. Le voir s’attaquer à David Copperfield marque donc, sur le papier, un changement de registre et un défi : comment faire entendre sa propre petite musique dans une oeuvre à ce point inscrite dans la mémoire collective sans pour autant tomber dans le piège de la modernisation à outrance ? Quelques minutes suffisent à comprendre que le pari est réussi. Iannucci réussit à rester fidèle à l’essence des aventures rocambolesques de ce gamin pauvre qui va devenir auteur à succès tout en l’inscrivant dans le monde de 2020. Sa scène d’ouverture où Copperfield arrive sur une scène de théâtre pour faire la lecture de sa vie rappelle que ce roman fut le premier de Dickens avec un narrateur à la première personne. Et le choix de confier le rôle-titre à un acteur d’origine indienne (Dev Patel, à son meilleur) pour rappeler qu’aucun rôle n’est défini par une couleur de peau embrasse non sans superbe un des débats majeurs de nos sociétés occidentales. À partir de là et jusqu’au dernier plan, Iannucci s’évertue brillamment à amplifier le côté absurde des situations tragiques rencontrées par son héros. Son David Copperfield est lumineux, débordant d’énergie, entre le Tom Jones de Tony Richardson et les meilleurs Gilliam. Le tout porté par des comédiens (Tilda Swinton, Peter Capaldi, Hugh Laurie…) qui savent pousser loin les curseurs sans tomber dans le pur cabotinage. Un spectacle réjouissant.
uGrande-Bretagne, États-Unis • Armando Iannucci • Patel, Tilda Swinton, Ben Whishaw, Morfydd Clark… •
Dev 1 h 59
« facile » : pas d’effets pop à la Euphoria ni de suspense à la Big Little Lies. Ici, tout repose sur le dialogue et l’incarnation, par conséquent sur les acteurs au service desquels se met la caméra – à la virtuosité discrète. C’est une série qui, en définitive, prend son temps. Celui d’installer les personnages et la petite musique entêtante des conversations dont la teneur dramatique monte crescendo à chaque épisode. C’est enfin une série alternative puisqu’il est possible de zapper les épisodes avec le ou les patients qui nous plaisent moins. On ne vous conseille cependant pas cette méthode qui dénaturerait le propos d’ensemble d’En thérapie, état des lieux de la France meurtrie et en résilience des années 2010.
Comme nous l’a confié Carole Bouquet [lire page 54], impériale en contrôleuse glaciale, le tournage d’En thérapie a représenté pour les acteurs un défi inattendu. Outre les pantagruéliques pages de dialogues à assimiler, il fallait tourner un épisode par jour de présence ! Cette contrainte a semble-t-il constitué à la fois un élément de stimulation et une source de stress qui ont donné l’impression aux acteurs de jouer sans filet. Leur extrême fragilité à l’écran était à ce prix. Le choix du précieux Frédéric Pierrot s’avère à l’arrivée plus que payant. On n’avait pas vu Reda Kateb aussi à cran depuis longtemps. On redécouvre Clémence Poésy. On a la confirmation du talent de Céleste Brunnquell (Les Éblouis). Quant à Mélanie Thierry et Pio Marmaï, ils s’imposent de fiction en fiction comme deux des acteurs les plus indispensables de leur génération.
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Comme son titre ne l’indique pas, Paris Police 1900 se déroule en 1899, année où la République française semble au bord de l’implosion. Le pays vit l’apogée de l’affaire Dreyfus et se voit menacé d’insurrection par différents courants politiques, allant des ligues antisémites au mouvement anarchiste. L’ancien préfet Lépine est alors rappelé pour rétablir l’ordre dans Paris et donner une impulsion nouvelle à une institution policière minée par les luttes internes, les machinations et les coups tordus. Fidèle à son goût pour les périodes historiques troubles, Fabien Nury (scénariste des bandes dessinées Il était une fois en France et La Mort de Staline) s’empare vigoureusement de personnages et de faits réels pour mieux donner cours à la fiction. Des références comme les romans-feuilletons d’Eugène Sue, les sagas de Sergio Leone ou le cinéma de gangsters animent cette fresque chorale qui dresse un sanglant portrait de la Belle Époque à travers une enquête criminelle (un corps mutilé est retrouvé dans une valise flottant sur la Seine) à double fond. Favorisant des éclairages en contre-jour, la série fouille les recoins cachés d’une société violente où émergent des figures féminines de premier plan (une avocate, une courtisane-espionne et une épouse toxicomane) mises à rude épreuve. Le casting, qui a recours à des visages pour la plupart peu connus, renforce lui aussi l’immersion dans cette ténébreuse mosaïque dont une saison 2 permettrait enfin d’entrer dans le XXe siècle.
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