DÉCRYPTAGE
Une BD retrace la vie foutraque et rock’n’roll du compositeur des Tontons flingueurs et de Fantômas, qui s’est suicidé en 1984. Trois spécialistes reviennent sur cet artiste inclassable.
Michel Magne était-il si génial ?
Bertrand Burgalat, musicien *
« Michel Magne m’a fasciné dès mes 12 ans. Son nom était associé à des films dont j’adorais la musique comme Un singe en hiver, à des disques qui m’envoûtaient (la BO de La Vallée par Pink Floyd…), à Magma aussi. Il a été pour beaucoup dans ma vocation artistique. On pouvait sentir sa fantaisie, son originalité, son non-conformisme, son humour, son goût du pastiche aussi, y compris de ses propres compositions quand il les déclinait. C’était très encourageant car, malgré son bagage classique, il n’avait rien de hautain. Il semblait toujours partant pour essayer des choses. Je le vois comme l’exact contraire, par ses qualités et ses défauts, d’un autre compositeur que j’admire, François de Roubaix, autodidacte au style immédiatement reconnaissable. »
Stéphane Lerouge, directeur de la collection « Écoutez le cinéma ! »
« C’est un compositeur du paradoxe, sinon du malentendu, qui se rêvait en prince d’une avant-garde loufoque, quasi dadaïste. Son premier grand succès au cinéma, c’est Le Repos du guerrier de Roger Vadim, avec un thème inspiré d’un mouvement de La Passion selon saint Matthieu de Bach. Le grand public découvre alors ce Ionesco de la triple-croche… dans un emploi néoclassique. Dans les années 60, à part Gance et Costa-Gavras, il a essentiellement servi le cinéma du samedi soir, auquel il injecte une part de sa démence et de sa folie naturelle. Bref, Magne, c’est le mélange de beaucoup de contraires, de l’extravagance au tragique, un créateur qui a traversé sa propre vie comme un canular. »
Boris Bergman, auteur avec Michel Magne de la comédie musicale Moshe MouseCrucifixion
« Avec Michel, il y a immédiatement eu une joyeuse télépathie. Nous étions deux barrés cosmiques. Il expérimentait tout le temps, ça rendait fou certains collaborateurs mais si vous le suiviez, tout devenait génial. C’est un héritier des surréalistes. C’était surtout un grand acousticien. C’est pour ça que les plus grands musiciens sont venus enregistrer dans son château-studio et pas seulement pour la vie joyeuse qui y régnait. En 1975, nous avons imaginé une mini-comédie musicale autour d’un Moïse-Mickey qui revient en Californie, la Terre promise, Moshe Mouse Crucifixion. Certains considèrent le titre Prophets comme le premier morceau de rap… »