Première

CONFIDENTI­EL

À quelques semaines de la cérémonie, Hollywood s’inquiétait de l’absence totale de notoriété des films engagés dans la course à la statuette. Le public en aurait-il vraiment marre des Oscars ?

- ROMAIN THORAL

Les Oscars sous le radar

Bouclé plus de quinze jours avant que ne se tienne la cérémonie, ce magazine tient pourtant à vous informer que sur votre timeline de fin avril-début mai, la grande fiesta 2020 du cinéma hollywoodi­en a encore été brocardée de toutes parts pour son supposé élitisme, même si le paquet a été mis sur la diversité. Le tout a d’ailleurs été confirmé par des audiences TV encore plus lamentable­s que l’an passé. Diable, comment un tel art de la divination estil possible ? Disons que c’est notre métier. Disons aussi que les Golden Globes en visioconfé­rence n’ont pas vraiment aidé à lancer la saison des prix (qui est parvenu à endurer ce truc complèteme­nt mortifère ?), et disons surtout que cette année, la notoriété des films à Oscars est du genre catastroph­ique.

Encore de la divination ? Eh non, un sondage cette fois, très sérieux, publié avec un peu d’inquiétude par Variety, le magazine de l’industrie, à quelques semaines de la cérémonie. Les résultats ne sonnaient pas comme une défaite, plutôt comme une déroute : parmi tous les gros favoris de la soirée, pas un ne dépassait le taux de 50 % de notoriété auprès du public américain. Le « vainqueur » ? Notre Judas and the Black Messiah du mois avec 46 %. Pour bien se figurer les choses, notons qu’il s’agit d’un score inférieur à celui du troisième volet de Bill & Ted, sorti l’an passé en VOD – et si vous n’avez jamais entendu parler du troisième volet de Bill & Ted, alors vous comprenez l’ampleur des dégâts. Derrière lui, Les Sept de Chicago (39 %), Nomadland (35 %) et Promising Young Woman (34 %)… Enfin, le film dont les Américains n’ont semblet-il jamais entendu parler est l’une des anciennes couverture­s de ce magazine, Mank, dont les 18 % de notoriété (loin derrière Sound of Metal par exemple) aident bien à mesurer la distance qui sépare un événement pour cinéphiles d’un événement tout court.

Destins contrariés

Reste que derrière l’aspect rigolo du classement, les chiffres foutent quand même un peu la trouille. On le sait – c’est d’ailleurs pour ça qu’on ne peut pas s’empêcher de la regarder –, la cérémonie des Oscars a toujours été le meilleur moyen de vérifier la bonne santé du cinéma américain. Évidemment, en cette année de pandémie, ça serait idiot de s’imaginer qu’il pète le feu, sauf que le tragique de la situation a dans le même temps grandement facilité l’accès aux films. Jamais dans l’histoire des Oscars il n’aura été aussi simple (et aussi peu coûteux) de bâfrer tous les favoris de la saison. Encore fallait-il en avoir envie. Le sondage publié par Variety raconte pourtant que ça n’a pas eu lieu. Du tout, du tout. Le magazine faisait mine de s’en étonner (il appelait même ça : « a perplexing twist »), mais tenait quand même à rappeler qu’il est beaucoup plus difficile de faire connaître l’existence d’un film sur une plateforme que lors d’une sortie en salles. De fait, la soirée tiendra de l’expérience de labo, remplie de films aux destins contrariés, prévus, pour la plupart, pour les salles mais propulsés au dernier moment dans un autre tuyau. Un peu anonymes ces objets, oui, mais personne ne pourra dire que c’est complèteme­nt de leur faute. On verra bien l’an prochain.

Bref, le seul vrai perdant de l’affaire devrait être comme chaque année le diffuseur ABC. Et ça, même pas besoin d’être un devin pour l’affirmer.

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