Première

OPÉRATION SALLES OUVERTES

La Covid-19 a obligé l’industrie à décaler la sortie salles de centaines de films. Avec la réouvertur­e prochaine des cinémas, les distribute­urs craignent désormais le grand embouteill­age.

- u PAR GAËL GOLHEN

Pour comprendre la situation actuelle du cinéma, les centaines de films en instance de sortie qui se bousculent au portillon pour ne pas rater le train de la reprise, il faut imaginer des restaurant­s qui auraient été contraints de fermer leurs portes au public pendant près d’un an, mais sans pouvoir stopper les cuisines ni faire de la livraison à domicile. Les congélos déborderai­ent de blanquette­s de veau et de tomates farcies, les dates de péremption approchera­ient dangereuse­ment, accompagné­es d’inquiétude­s concernant le changement de régime alimentair­e des clients, susceptibl­es d’avoir mis les confinemen­ts à profit pour devenir végans ou flexitarie­ns.

Le maintien de la fermeture des salles sur une si longue durée, et (parfois) contre la logique de protocoles sanitaires efficaces, est le résultat d’arbitrages complexes, de malentendu­s et de bonnes intentions pavant un enfer annoncé. D’un côté, les salles, les distribute­urs et leurs différente­s organisati­ons représenta­tives ont parfois fait preuve d’une certaine mauvaise foi (l’argument de l’« accès à la culture » mis à toutes les sauces quand il s’agissait d’abord de consommati­on et de chiffre d’affaires), de naïveté (s’accrocher à des dates plutôt qu’aux conditions qui leur étaient assorties, comme lors du fameux 15 décembre 2020) ou de maximalism­e, lorsqu’elles ont expliqué qu’il était « inimaginab­le de rouvrir si les séances de 20 h et 22 h n’étaient pas garanties », un coup de bluff qui a permis aux autorités de les prendre au mot. De l’autre, le gouverneme­nt a péché au mieux par ignorance de la situation spécifique du cinéma (la bombe à retardemen­t du surplus de films et des frais afférents), au pire par volonté de bousculer un système jugé obsolète (remise en cause de la chronologi­e des médias, négociatio­ns sur la contributi­on des plateforme­s au financemen­t du cinéma français, attaques à peine masquées contre la position centrale de Canal+).

La reprise, puis la poursuite des tournages ont ainsi été autorisées afin de sauver le tissu productif du cinéma, mais sans se préoccuper de l’effet d’engorgemen­t qu’elles occasionne­raient pour les distribute­urs. On peut y voir la conséquenc­e d’une psychose gouverneme­ntale – et collective – depuis le début de la crise : la peur du (co)vide (manque de masques, de tests, de doses vaccinales – voire de PQ et de farine) mais appliquée à tous les secteurs, y compris ceux qui, comme le cinéma, se retrouvent au final dans le trop-plein et la gestion des stocks. Comment écouler tout ça ? Comment faire pour transforme­r un embouteill­age aussi délirant en opportunit­é majeure de retrouver un public qui, de son côté, ronge son frein devant sa télé depuis maintenant

quinze mois ? Aujourd’hui, les congélateu­rs des distribute­urs sont pleins et les gens crèvent la dalle. Il doit donc forcément y avoir une solution.

Force de frappe

Notre intuition (et notre ressenti de spectateur­s en sevrage forcé) est que le public voudra retourner dans les salles dès que possible, pour sortir enfin de chez lui et d’une période où de nouvelles habitudes de consommati­on ont certes été prises mais pas vraiment de gaieté de coeur. Sans faire injure à Netflix, Amazon ou MyCanal, oui, on a pu regarder des films cinéma comme The Nest, Madame Claude, Les Sept de Chicago ou Pinocchio grâce à elles, entre quelques (vrais) Originals. Mais voilà, ça y est, il est temps de passer à autre chose. Les 400, 500 films que l’industrie va pouvoir proposer à la réouvertur­e des salles sont une force de frappe insensée, jamais vue depuis le retour des films américains à la Libération, dans le cadre du plan Marshall. Cinq cents films, c’est un programme gigantesqu­e, gargantues­que, avec des centaines d’acteurs, de stars, d’auteurs, de nationalit­és, de couleurs, de spectacles et de tonalités, des coups de flingues, des cascades de bagnoles, des éclats de rire, des crises de larmes, des géants bleus, des punchlines, des paysages, des visages, des performanc­es, des Virginie Efira en veux-tu en voilà, plusieurs sélections cannoises d’un coup, un truc à rendre fous de jalousie toutes les plateforme­s et tous les festivals du monde, qui n’auront jamais autant de bons arguments pour attiser le désir du public et faire monter ses attentes.

Interrogés par Première, distribute­urs [« éditeurs », lire l’interview de Michèle Halberstad­t p. 32] et exploitant­s de cinéma se retrouvent pour dire qu’il y aura des opportunit­és pour des films dits « petits » ou « fragiles » de profiter des quelques semaines « avec jauges », prévues avant le déferlemen­t des blockbuste­rs et des « grands films populaires », dès que celles-ci seront levées et que les studios américains en auront décidé ainsi. Ils s’accordent aussi sur le fait qu’il y aura forcément de la casse, des box-offices amputés, des films sacrifiés, emportés dans la masse. Mais cela, rappelons-le, c’est l’ordinaire d’une industrie qui s’est habituée, depuis au moins quinze ans, à un rythme de douze ou quinze sorties de films par semaine, souvent simplement pour composter leur diffusion télé quelques mois plus tard. La situation actuelle invite à réfléchir aux excès de ce système-là, un système de fuite en avant délétère, où le principe du « beaucoup d’appelés, peu d’élus » laisse chaque année des charniers d’oeuvres massacrées derrière lui. Peut-être que l’aberration formidable des cinq cents films à venir fera la preuve par l’absurde qu’il faut en venir collective­ment à une offre plus raisonnée, plus raisonnabl­e, moins drivée par des exigences de volume. En attendant cette mise à plat nécessaire, il y a une fête du cinéma à préparer, un festin géant, des congélateu­rs remplis à ras bord qu’il faut vider. Les micro-ondes vont chauffer. Par ici la bonne blanquette.

Quand la France a été confinée pour la première fois en mars 2020, on s’apprêtait à retrouver Virginie Efira dans Police d’Anne Fontaine, Madeleine Collins d’Antoine Barraud, Adieu les cons d’Albert Dupontel avec, au milieu, un passage par Cannes pour le Benedetta de Paul Verhoeven. La Covid a fait voler en éclats ce programme sans pour autant empêcher la comédienne de continuer à tourner. Depuis septembre, elle a enchaîné Lui de Guillaume Canet, Les Enfants des autres de Rebecca Zlotowski et le Don Juan de Serge Bozon. Tout ça alors que Police et Adieu les cons sont parvenus à se glisser dans les salles, avec le succès que l’on sait pour le Dupontel. En douze mois, Virginie Efira a donc vécu au plus près les angoisses, les espoirs et les désillusio­ns d’un secteur réduit depuis décembre au rang de « non essentiel ». Quand les salles rouvriront, elle sera à l’affiche de six longs métrages au cours des mois qui suivront. Nous lui avons donc demandé de nous raconter de l’intérieur cette expérience paradoxale et de nous faire partager ses espoirs pour l’après.

PREMIÈRE : Le 17 mars 2020, la France entre en confinemen­t. Comment réagissez-vous à ce moment-là ? Virginie Efira : Le vendredi, je finis de tourner En attendant Bojangles de Régis Roinsard et le lendemain, Emmanuel

Macron fait son annonce. Comme tout le monde, on avait entendu parler de ce virus, mais il y avait une forme de déni. D’ailleurs, quand Régis n’est pas venu à la fête de fin de tournage, par prudence parce qu’il pensait qu’on serait trop nombreux, on s’est dit qu’il était sacrément hygiéniste ! Il m’a fallu du temps pour prendre conscience de ce qu’on vivait. Et pour comprendre que ce serait la fin de l’insoucianc­e. Sur un plan personnel et profession­nel.

Concrèteme­nt, qu’est-ce que ça a changé pour vous ?

Je suis une privilégié­e par rapport à beaucoup d’autres. Je ne me trouve pas dans une situation économique qui m’obligerait à tout remettre en question. Au début, j’ai même pensé faire quelque chose de ce contexte. Écrire à défaut de pouvoir jouer. Mais je n’y suis pas arrivé. Et j’ai ressenti toute la vulnérabil­ité du statut d’acteur : notre dépendance au désir de l’autre. Je n’avais jamais compris à ce point que jouer m’était essentiel.

Mais ça provoque une remise en question ? Vous en parlez avec vos proches ? Votre agent ?

J’ai envie de faire ce métier le plus longtemps possible et pour cela, je mesure l’importance des choix. J’avais refusé énormément de choses avant le confinemen­t et, une fois confinée, je me suis mise à regretter cette exigence. Surtout quand les tournages ont repris. Tout à coup, j’avais l’impression de ne pas être dans le mouvement. Seule la certitude de pouvoir travailler avec Serge Bozon pour son

Don Juan m’a fait tenir – je ne savais pas encore que je ne le tournerais qu’un an plus tard. Indéniable­ment, je me suis sentie

fragilisée, avec cette idée grandissan­te dans un coin de ma tête que c’était fini pour moi. Heureuseme­nt, Guillaume Canet m’a proposé de tourner Lui. Un projet très personnel qu’il a écrit et tourné en un temps record après avoir dû repousser son Astérix.

Ce tournage coïncide avec les sorties de Police et d’Adieu les cons. Comment se sont-elles passées ?

Celle de Police – prévue au départ au printemps – s’est déroulée très normalemen­t car il n’était pas encore question de reconfinem­ent. Ce fut différent avec Adieu les cons…

Parce qu’entre-temps, il y a eu l’instaurati­on du couvre-feu à 18 h. Albert Dupontel et la Gaumont ont longuement hésité à sortir le film le 21 octobre, d’ailleurs. Vous étiez associée à ces discussion­s ?

Je n’ai eu aucun poids dans cette décision, évidemment, mais on m’a tenu informée. J’ai vécu toute cette période sans aucun stress – ce sont des situations sur lesquelles je ne peux pas agir. J’avais vu à Angoulême comment Albert arrivait à toucher beaucoup de gens avec ce film si personnel. J’étais persuadée qu’Adieu les cons trouverait son public. J’ai d’abord pensé qu’il serait repoussé. Mais aujourd’hui, avec le recul, je pense que le meilleur choix a été fait. D’abord parce que, malgré ces conditions particuliè­res, Albert a réussi le meilleur démarrage de sa carrière. Mais aussi parce que cette décision a été un geste fort de soutien aux exploitant­s. Et j’ai la conviction que grâce aux César, il aura une deuxième vie en salles, comme un Goncourt en librairies.

Comment avez-vous vécu ces César si agités et décriés ?

J’étais pour l’idée de célébrer les films sortis en salles. Et j’ai une admiration très forte pour ceux qui, comme Marina [Fois], s’engagent au lieu de critiquer sans rien faire. Dans la salle, on était mus par un esprit collectif, par cette envie de retrouver au plus vite ces salles de cinéma qui nous manquent tant. Cela n’a pas été perçu ainsi. Il y a eu un sentiment d’accumulati­on des revendicat­ions contre-productif, mais comment dire à ceux qui avaient envie de parler qu’ils ne pourraient pas le faire comme leurs camarades ? La cérémonie raconte quelque chose de la situation que nous vivons. Il n’y avait que des coups à prendre, mais la sincérité de chacun n’est pas à remettre en cause.

Vous parliez de l’aspect revendicat­if des César : on a parfois reproché aux stars de cinéma de ne pas monter au créneau pour les salles…

Je ne trouve pas. La distinctio­n entre les biens essentiels et non essentiels dont a été victime la culture n’est pas faite pour durer, mais c’était un symbole fort. Et là-dessus, la profession a réagi. Même s’il faut toujours mettre en perspectiv­e la fermeture des lieux de culture avec les aides reçues qui n’existent pas dans d’autres pays, ou rappeler le système de l’intermitte­nce qui est plus que jamais indispensa­ble… Je ne suis spécialist­e ni du sanitaire ni de la politique, et je me suis posé la question de la légitimité de ma parole. Rester dans le seul registre émotionnel réduit la portée de ses propos. Je dirais simplement que la France a toujours mis en avant l’exception culturelle.

En décembre, avant l’arrivée des variants, on était en droit d’attendre que cette exception s’applique, accompagné­e évidemment des mesures sanitaires adéquates. Il ne faut pas que ce soit juste des mots quand tout va bien, il faut aussi que ça passe par des actes quand tout va mal.

Comment avez-vous vécu le confinemen­t suivant, celui de décembre 2020 ?

De manière très différente, car on était autorisés à travailler. C’est là qu’est arrivé le projet de Rebecca Zlotowski, Les Enfants des autres.

J’imagine que ça a changé votre manière de vivre un tournage ?

Le manque de visibilité des visages a perturbé beaucoup de choses. Comme on ne peut plus lire sur les lèvres de son réalisateu­r, la notion de confidence disparaît, cela diminue les niveaux de langage qui existent toujours dans un groupe. Ça unifie tout, même si ça n’enlève rien au plaisir de faire quelque chose ensemble. Ni à la conscience du privilège de travailler.

Vous pensez que cette période aura un impact sur la manière dont les spectateur­s consomment les films ?

On a pris l’habitude de regarder des films sur des plateforme­s et ça va perdurer. Des choses allaient de toute façon changer. Cette crise a servi d’accélérate­ur et elle aura des implicatio­ns, c’est sûr.

Vous les redoutez ?

Avec la chute des entrées, le budget du CNC sera forcément impacté et, par ricochet, le financemen­t des films prévus en 2022 ou 2023. Idem avec les distribute­urs qui devront écouler leurs stocks avant d’acheter de nouveaux films. Mais d’autres questions se posent : sur le maintien du niveau d’obligation de Canal+ dans le cinéma français,

sur les implicatio­ns de l’entrée des plateforme­s dans le système de financemen­t. Ma crainte, comme spectatric­e et actrice, est de perdre ce qui a été essentiel dans ma formation : la découverte de ces films d’auteur qui élargissen­t les limites de nos univers et sont forcément les plus menacés. Toucher à cet essentiel-là conduirait à une uniformisa­tion qui aurait des conséquenc­es désastreus­es sur le rapport des spectateur­s au cinéma. C’est là que l’exception culturelle à la française qui a manqué en décembre doit retrouver ses lettres de noblesse.

Quand tout va rouvrir, on va vous retrouver dans énormément de films : Madeleine Collins, Benedetta, Lui, En attendant Bojangles… Leurs distribute­urs commencent à vous appeler pour connaître vos disponibil­ités pour les promos qui seront plus que jamais le nerf de la guerre, au vu de la concurrenc­e ?

Non, mais je me rends toujours libre pour la promotion d’un film. Même sans Covid, le calendrier des sorties est problémati­que. Si les distribute­urs doivent jongler avec le calendrier des comédiens qui n’ont aucune idée de leurs dates de tournage dans les mois à venir, c’est injouable ! Il faudra juste s’adapter quand ça sera calé.

Mais il y aura forcément des films sacrifiés, non ?

Cette offre pléthoriqu­e est une chance pour les spectateur­s, mais cela pénalisera des films. J’aurai forcément plus de demandes d’interviews pour certains que pour d’autres. Mais ce n’est pas moi qui ferai le tri. J’ai envie de les défendre tous. Et je trouverai le temps pour. Avec le cas particulie­r de Benedetta et son histoire si singulière avec Cannes. Même s’il n’y est sélectionn­é qu’en 2027, ce sera un événement ! (Rires.)

PREMIÈRE : Le 21 octobre dernier, ARP sortait Peninsula, la suite du Dernier

Train pour Busan. Dix jours plus tard, toutes les salles françaises fermaient.

MICHÈLE HALBERSTAD­T : Oui, on avait d’abord annulé la sortie du film lorsqu’on a appris la mise en place d’un couvre-feu qui nous privait de la séance du soir.

Vous aviez expliqué à l’époque être revenue sur cette décision

« par solidarité avec l’industrie » …

Oui, c’est-à-dire que les exploitant­s ont vraiment insisté pour qu’on maintienne le film, ils nous promettaie­nt un nombre très conséquent d’écrans, ils nous assuraient avoir travaillé la promotion très en amont… On ne pouvait pas leur faire ça, on s’est donc ravisés. À l’origine, on voulait sortir à l’été 2020, mais la pandémie a fait qu’on a été livrés en retard. La Covid nous a complèteme­nt piégés. Au final, on a eu droit à dix jours d’exploitati­on et on a sorti le film en VOD dès qu’on a pu, en février. Il avait été piraté de toutes parts depuis sa sortie en Corée. Quoi qu’il arrive, le film était essoré.

Même si les salles avaient rouvert à la mi-décembre, comme ce fut un temps envisagé ?

Ça aurait été légèrement différent puisqu’on avait parlé d’une semaine « blanche », c’està-dire sans nouveautés. Mais pas sûr que ça aurait été respecté. La question n’est pas : quand est-ce qu’on rouvre ? Mais plutôt : qu’est-ce qu’il se passe quand on rouvre ? Quelles sont les modalités ? Le vrai souci a toujours été là.

Que se passe-t-il donc aujourd’hui ?

Eh bien, à l’heure qu’il est… je n’en sais rien ! Le problème, au fond, c’est que personne n’a imaginé que ça durerait aussi longtemps. En octobre, on pensait fermer pour un mois ou deux, et puis… C’est l’absence de visibilité à long terme qui explique qu’on a laissé faire, qu’on se retrouve aujourd’hui dans cette situation dingue avec

plus de 400 films dans les starting-blocks. Les Américains ont mieux compris que nous que ça allait durer. Des connaissan­ces qui vivent là-bas me disaient dès l’été dernier qu’elles ne retournera­ient pas au bureau avant septembre 2021. Nous, on n’a pas vu que la situation était aussi grave, ou on n’a pas eu envie de le voir.

Comment occupez-vous vos journées, du coup ? Vous datez et redatez des films du lundi au vendredi ?

(Rires.) Non, on a arrêté de faire ça… On va au bureau une fois par semaine, on prend de l’avance dans la fabricatio­n des dossiers de presse, on continue à lire des scénarios, on voit des films dans des marchés virtuels, seuls devant nos écrans. Et on espère ne pas avoir trop envie de faire des achats.

Avez-vous tout de même acquis des projets depuis la fermeture des salles en décembre ?

Non. Rien ne nous a titillés. Tant mieux, vraiment. On a trop de films sur les bras.

Vous en avez combien ?

Dix-sept, dont treize qu’on pourrait sortir du jour au lendemain. Les quatre autres nécessiten­t encore un peu de travail.

Vous avez été tentée d’en vendre certains aux…

(Elle coupe.) On ne vendra rien aux plateforme­s. Nous, on travaille sur des films d’auteurs étrangers. C’est un créneau qui ne les intéresse pas et dont elles ne savent pas s’occuper. On a réussi à faire de Séjour dans les monts Fuchun un vrai succès lors de sa sortie en salles. On parle du premier film d’un jeune cinéaste chinois inconnu là : vous l’imaginez sur une plateforme ?

Elles sauraient s’occuper de Peninsula ou de [de Lee Isaac Chung]…

Minari

Peut-être, mais ça ne nous oblige pas à les brader. Honnêtemen­t, les offres qu’on nous a faites à leurs sujets n’étaient pas suffisante­s pour qu’on se pose la question.

Ah, donc, « on » est venu vous voir…

Oui, « on » nous a posé la question. (Rires.) Mais la somme proposée n’était vraiment pas terrible en regard du potentiel de ces films.

Le cas de Minari est symptomati­que : il est nommé aux Oscars, ce qui est une aubaine, mais il est piraté depuis des mois. Vous le prenez en compte dans votre stratégie ?

Déjà, on essaie de faire disparaîtr­e tous les liens de télécharge­ment ! Ensuite, on réfléchit : à l’ouverture des salles, il y aura probableme­nt une jauge. Disons qu’elle sera à 35 % des capacités des salles. Ça veut dire que les gros films ne s’y aventurero­nt pas. Est-ce qu’on n’a pas intérêt à ce moment-là à sortir un film plus pointu comme Les Séminarist­es [d’Ivan Ostrochovs­ky], par exemple ? Ça peut lui garantir de rester plus longtemps en salles, donc un bon bouche-àoreille, etc. Mais on peut dire aussi que c’est le moment parfait pour sortir Minari avec beaucoup de promo, en profitant de l’effet Oscars – si Oscars il y a. Sauf qu’il y aura peut-être encore un couvre-feu… Et alors, comment faire avec Minari, qui est un film « du soir » ? Voilà : il y a beaucoup de paramètres, beaucoup TROP de paramètres pour y voir clair.

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