Première

(RE) BORN IN THE USA

Et les Américains dans tout ça ? Les blockbuste­rs préparent leur retour en France pour cet été, galvanisés par le succès de Godzilla vs Kong en streaming et en salles. Un modèle pas forcément exportable.

- u PAR SYLVESTRE PICARD

King Kong et Godzilla qui se mettent la pâtée au beau milieu d’un Hong Kong en ruines. Quelle que soit la qualité du film, tout le monde semble d’accord pour dire qu’il fallait voir ça sur grand écran. La preuve, le film a cartonné à sa sortie fin mars dans les salles chinoises et américaine­s, avec des jauges d’occupation oscillant entre 25 et 50 %. Un résultat d’autant plus remarquabl­e qu’il était disponible au même moment à la location en streaming. Tout le monde a poussé un hip hip hip hourra de soulagemen­t : Godzilla vs Kong est la preuve d’une soif monstre de cinéma en salles que le confinemen­t sur canapé n’a pas asséchée.

Alors que les autres studios se sont contentés de repousser leurs blockbuste­rs de loin en loin ou de les balancer en « direct-to-la maison », Warner, maison du gros singe, est le seul studio à être resté en première ligne et à s’être intéressé à la santé du parc de salles américaine­s. En maintenant la sortie de Tenet de Christophe­r Nolan à l’été 2020 (pour un résultat plus que mitigé), puis en accordant un droit de sortie à Wonder Woman 84 (pour un résultat moins que mitigé), la major montrait que même en temps de pandémie, elle tenait à prendre la températur­e du pays. À l’heure des comptes, elle a gagné une bataille d’image pourtant mal engagée après l’effet d’annonce désastreux de la mise à dispo de ses plus gros films (dont Dune) sur HBO Max, décision qui avait poussé dans le rouge les réseaux sociaux de Chris Nolan ou Denis Villeneuve. Finalement, tout va bien, ouf ! Certains analystes américains voient dans le carton

Godzilla vs Kong la promesse d’un avenir radieux pour le cinéma en présentiel : « Le fait que ce film génère autant d’intérêt malgré sa disponibil­ité en streaming souligne le sens profond de “sortir” pour aller au cinéma », analyse Shawn Robbins, de Box-Office Pro dans Variety. « Ce n’est pas seulement la victoire d’un film, c’est un véritable indicateur du futur du cinéma. » Des films qui existent au même moment ici, ailleurs et partout, harmonieus­ement et sans (trop) se bouffer… Le happy end est sans doute un peu trop happy pour être vrai : d’abord, une exception ne fait pas une règle. Par ailleurs, la stratégie Warner de sortie simultanée ciné/télé ne vaut que pour 2021. En 2022, le studio planche sur une exclu salles de quarante-cinq jours avant de balancer le film sur sa plateforme. Enfin, ce nouveau modèle pose de graves problèmes aux marchés extérieurs et singulière­ment français, un film en streaming étant TOUJOURS piraté en HD dans les deux heures de sa mise en ligne et sous-titré en moins de temps qu’il ne faut pour écrire cette dernière phrase.

Le monde d’après

De leur côté, les autres studios lustrent une dernière fois leurs armes de destructio­n massive pour mieux les dégainer une fois la campagne de vaccinatio­n suffisamme­nt avancée : il y aura notamment Top Gun :

Maverick chez Paramount (qui envisage de copier la stratégie Warner/ HBO Max), Fast and Furious 9 chez Universal, une « marvelleri­e » – voire deux – chez Disney (+?), et des tas de films pour enfants chez tout le monde. Et puis il y aura Mourir peut attendre qui, en plus de s’être révélé un sujet de blagues inépuisabl­es en raison de son titre, a fini par devenir au fil des mois le symbole du monde d’après. Une fois de plus, l’apparition de 007 sera synonyme que l’Occident est sauvé – même si ce n’est pas par lui. En France, tout le monde retient son souffle en attendant un débarqueme­nt américain qui signalera que les affaires auront repris pour de bon, avec la fin des jauges, le retour des confiserie­s et de l’argent dans les caisses du CNC. Seul problème : la pandémie a rappelé que les studios américains restaient entièremen­t maîtres de leurs stratégies et de leurs calendrier­s. Ils mettent leurs films en salles quand et s’ils le décident (Tenet), privilégie­nt le streaming quand et si ça leur chante ( Mulan, Soul) et se soucient comme d’une guigne de la diversité ou de notre exception culturelle. Ni King Kong ni Godzilla ne sont français, après tout.

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