L’été fut Shawn
Le succès de son Free Guy l’a conforté dans la position de chouchou en chef de l’industrie hollywoodienne. Mais comment le discret Shawn Levy a-t-il bien pu se retrouver si haut ?
Il paraît que les Duffer Brothers, créateurs de Stranger Things, l’ont surnommé « le sorcier », du fait de sa capacité à résoudre tous les problèmes qui échappent aux simples mortels. Pourtant, pour la plupart des amateurs de cinéma, Shawn Levy, 53 ans, ne fait pas vraiment figure d’enchanteur, illustrant depuis des années d’anonymes blockbusters ( jamais très) rigolos avec un savoir-faire plus ou moins compétent. Les trois Nuit au musée par exemple, c’était lui, Real Steel et le remake de la Panthère rose, aussi. Tout le monde sera d’accord pour dire qu’on n’a pas vraiment besoin de grimoire ou de pouvoirs magiques pour accoucher de produits pareils. Oui mais voilà, depuis qu’il a échoué à devenir une superstar hollywoodienne, sa première vocation, Levy a pris conscience qu’on pouvait accéder au sommet de l’entertainment par plusieurs versants. Et en même temps qu’il se reconfigurait en metteur en scène au début des années 2000, il ouvrait discrètement sa boîte de production, 21 Laps, qui allait rapidement devenir un animal tentaculaire, investissant tranquillement tous les genres et les échelles possibles du divertissement de masse. En 2016 c’est le jackpot, la société sort à quelques mois d’intervalles
Premier Contact de Denis Villeneuve dans les salles et la première saison de Stranger Things sur Netflix : Levy devient le producteur le plus hot du moment.
Fantastique tout public
Cet été, le garçon s’est offert un beau petit carton, un de plus, cette fois en tant que metteur en scène, avec Free Guy, une version rigolarde du Truman Show pour les fans de Fortnite. La petite singularité du film : n’être ni une suite, ni un remake, ni une adaptation de comics ou d’attraction Disneyland. Toute l’industrie du cinéma s’est ainsi félicitée de ses gros chiffres, acquis de surcroît via une sortie uniquement en salles, comme s’il s’agissait là d’un véritable tour de force. Pourquoi pas, sauf que le véritable exploit réalisé par Levy a plutôt eu lieu sur le terrain des plateformes, puisqu’on apprenait au moment de la sortie de Free Guy que 21 Laps développait quinze (QUINZE !) projets pour Netflix (d’autres projets pour d’autres studios sont aussi dans les tuyaux). Le numéro 2 du service SVOD, Ted Sarandos, semble en tout cas sous le charme du réalisateur de Treize à la douzaine, et aime lui glisser publiquement quelques petits mots doux : « C’est un peu ringard de dire que seuls les bons types triomphent, mais Shawn est indéniablement un bon type et en ce moment il est clairement en train de triompher. » Pour l’heure, outre Stranger Things dont la saison 4 arrive à grands pas, les hits estampillés Levy ne se voient pas forcément à l’oeil nu sur la plateforme (il y a eu Shadow and Bone essentiellement), mais la (très longue) fiche IMDb du nouveau golden boy parle indéniablement pour lui : l’air du temps s’y renifle à pleins poumons via une vision très fédératrice du fantastique tout public. En ayant mis la main sur une bonne partie de l’imaginaire contemporain, Shawn Levy semble se préparer un destin à la J. J. Abrams. Peu importe donc qu’il soit sorcier ou camelot, il s’est en tout cas déjà fait une place sur votre canapé.