Première

Séries Mania retour aux sources

Contraint d’investir une tranche inhabituel­le du calendrier, Séries Mania a bouclé les vacances estivales par huit jours de festivités télévisuel­les dans les Hauts-de-France, tirant un trait sur l’annulation de l’édition 2020.

- PAR CHARLES MARTIN Miou-Miou au premier plan

Comme une longue pause entre deux saisons… Dix-huit mois plus tard, Séries Mania a retrouvé les rues de Lille et, petit miracle de la réalité qui dépasse toujours la fiction, le festival a su reprendre le fil de son intrigue. Comme si de rien n’était. Ou presque. Passe sanitaire de rigueur et ambiance de rentrée scolaire pas franchemen­t habituelle pour la grand-messe internatio­nale du petit écran. Mais dans ce contexte pas très orthodoxe, elle a réussi à faire son office et attirer une foule de fidèles bien plus dense qu’attendue ! Près de 55 000 visiteurs ont ainsi participé à cette célébratio­n 2021, à ses dizaines de projection­s, rencontres et master classes. Au point que cette édition repoussée par la Covid et censée n’être qu’une saison de transition vers des temps plus propices « a été un énorme succès qui a dépassé toutes nos attentes », avoue avec pas mal de stupéfacti­on sa directrice générale, Laurence Herszberg. Séries Mania est toujours le temple de la fiction sérielle dans tous ses états, de tous les horizons.

Une certaine vision de la création, qui donne la primeur à l’humain, au social. En témoigne l’énorme succès de Germinal, série locale s’il en est (déjà sur Salto), filmée dans les Hauts-de-France et qui s’est offert une avant-première forte en émotion du côté de la mine d’Arenberg. Véritable coup de coeur du festival et des festivalie­rs, l’adaptation d’Émile Zola en six épisodes a été honorée par le prix du Public. Moins charbonneu­se, mais tout aussi engagée, la série islandaise Blackport (à voir sur Arte) et son histoire de vies cabossées par la crise économique a été sacrée Grand Prix 2021 par le jury du président Hagai Levi (The Affair). Un plaidoyer pour la solidarité qui va comme un gant à l’ambition des organisate­urs et qui succède d’ailleurs au palmarès à The Virtues, autre drame social et coup-de-poing, honoré en 2019. Comme si 2020 n’avait été qu’un simple hiatus, Séries Mania reprend son histoire…

Étonnammen­t absente du palmarès, la première création télévisuel­le de Valérie Donzelli a pourtant fait son petit effet à Séries Mania. Des mois avant sa diffusion

sur Arte (ce sera en décembre prochain), la réalisatri­ce révélée avec La guerre est déclarée a présenté Nona et ses filles, comédie humaine à l’esprit loufoque réjouissan­t. Un conte féminin terribleme­nt fun et attachant, qui explore la grossesse surréalist­e d’une féministe parisienne âgée de 70 ans ! Déjà maman de trois grandes filles de 44 ans qu’elle a élevées toute seule dans le quartier populaire de la Goutte d’or, Nona décide de garder l’enfant… même si elle ne sait pas du tout qui est le père ! Est-elle tombée enceinte par l’opération du Saint-Esprit ? Un pitch high concept totalement assumé et dévoilé dès la première minute : « L’idée, c’était de parler d’une cohabitati­on entre une mère et ses filles, justifie Valérie Donzelli. Il fallait donc trouver un truc pour que des femmes de 40 ans reviennent ainsi vivre chez leur maman. La maladie, ça aurait été trop glauque ! Et j’ai adoré l’idée “fantastiqu­e”, dans tous les sens du terme, d’une grossesse à 70 ans. » C’est Miou-Miou qui se glisse ainsi dans la peau de cette mater familias immature, retrouvant au passage un rôle de premier plan. Le résultat est un « joyeux bazar très précis, très écrit. Un beau foutraque organisé », résume assez bien l’actrice Clotilde Hesme. Une série chorale colorée et rythmée, qui « sautille de partout », pour le plus grand plaisir de sa réalisatri­ce.

Germinal au long cours

Trente ans après la version de Claude Berri portée par Renaud, Julien Lilti redonne vie au roman d’Émile Zola. Mais, signe des temps qui changent, c’est sous la forme d’une minisérie qu’on repart dans les mines du Nord de la France. Un nouveau format qui offre à ce Germinal remasteris­é un canevas idéal pour mettre en scène Étienne Lantier et toutes les gueules noires de la mine du Voreux. « Dans le film de 1993 ou même celui d’Yves Allégret [1963], il y a des coupes énormes ! Il n’y a pas la place en deux heures de film pour adapter Germinal. Et quand on ampute, on dénature », justifie le créateur de la série événement de France 2, qui a donc pu explorer l’oeuvre originale en 6 x 50 minutes, « le temps nécessaire pour donner leur place à tous les personnage­s ». Julien Lilti a eu toute liberté pour livrer « son » adaptation de Germinal, plus proche du roman que les deux films précédents, avec un Lantier beaucoup plus jeune, et surtout une écriture pensée pleinement pour une série moderne : « J’ai réécrit tous les dialogues. Il doit y avoir moins de 5 % des dialogues de la série qu’on retrouve dans le roman. » Ce Germinal 2021, entièremen­t réalisé par David Hourrègue, est aussi un oeuvre esthétique stupéfiant­e, à l’ambition clairement cinématogr­aphique. Filmée dans les décors réels de l’ancienne mine d’Arenberg, la série a fortement résonné au coeur du festival lillois. « C’était une priorité de faire une avant-première ici. Avec les figurants, qui sont tous du Nord, avec un lien familial fort avec la mine. Alors la réception du public a été une forme de reconnaiss­ance. Un émouvant moment de communion. »

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ?? Page de gauche : Nona et ses filles. Page de droite : Germinal.
Page de gauche : Nona et ses filles. Page de droite : Germinal.
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France