Première

007 ENFIN DÉMASQUÉ

Décalé, reporté, redaté... Mourir peut attendre a joué l’Arlésienne pendant plus d’un an et demi. Au risque de rendre l’agent de Sa Majesté totalement obsolète ?

- PAR ROMAIN THORAL

Le 16 février 2019, le compte Twitter officiel de l’agent 007 annonçait que « Les producteur­s de Bond 25 [étaient] ravis d’annoncer que la sortie du film était finalement décalée au 8 avril 2020 ». À l’époque, ce petit télex nous avait solidement divertis. D’abord, parce que des producteur­s qui se disent « ravis », sur les réseaux sociaux, de repousser la sortie d’un blockbuste­r à ce point attendu sont forcément des gens qui aiment le spectacle. Ensuite, parce que la blitzkrieg 2.0 menée à la suite de leur message, par une foule de fans désoeuvrés, valait franchemen­t son pesant de pyrotechni­e web. Prévu à l’origine en octobre 2019, puis retardé à cause de la fâcherie avec Danny Boyle, le nouveau Bond et le dernier Daniel Craig avait d’abord été mondialeme­nt calé à février 2020, soit quatre ans et demi après 007 Spectre. En résumé, c’était le temps qu’il fallait à Sean Connery, Roger Moore et même Pierce Brosnan pour boucler trois aventures. D’où une petite impatience chez des fans habitués à des cadences un peu plus thatchérie­nnes. On les comprenait, mais bon, ce nouveau report de quelques semaines n’allait quand même pas changer la face du Bond, si ? Qu’aurait-il bien pu se passer si Mourir peut attendre était bel et bien sorti en février 2020, comme il fut longtemps annoncé ? À coup sûr : Bad Boys 3 n’aurait pas été le numéro un du box-office de l’année, ce qui aurait forcément été une petite consolatio­n. Une hypothèse : Amazon n’aurait peut-être pas (encore) racheté la MGM (le studio historique des Bond, exsangue), ce qui n’aurait pas changé fondamenta­lement notre quotidien. Une certitude : l’agent 007 aurait sauvé un monde qui pouvait encore l’être, ce qui nous refile aujourd’hui encore quelques regrets.

Dans le hors-série Première consacrée à la saga 007, et sorti en kiosque juste avant l’un des nombreux reports de son dernier chapitre, le cinéaste Nicolas Saada, toujours très affûté lorsqu’il s’agit d’analyser les fluctuatio­ns pop culturelle­s, affirmait ceci : « Ce que nous traversons depuis le début de l’année [la pandémie] rend obsolète, voire dérisoire, tout ce que la fiction peut nous proposer de plus spectacula­ire. On attendrait de Bond qu’il nous sorte de cette pandémie qui bloque la planète depuis plusieurs mois… » Sauf que Bond a d’autres projets en ce moment et que Mourir peut attendre devrait bel et bien sortir ce début octobre : au risque de paraître dérisoire, donc ?

On va enfin découvrir ce film : le blockbuste­r symbole de l’ère Covid, de ses reports inopinés et de son industrie ciné reformatée. À son corps défendant, sa seule sortie en salles nous signifiera aussi qu’il est temps à tous de reprendre le cours de nos existences – en même temps que Daniel Craig d’ailleurs. Hourra, 007 sera encore synonyme de victoire. Sauf que pour la première fois de notre vie, nous aurons tous un loooong temps d’avance sur ce qui se joue à l’écran et sur cet agent qui a toujours sauvé la planète avant même qu’elle ne se sache menacée. Alors, comment croire à ce vieux Bond dans le nouveau monde ? Dans tous les cas, il est urgent de ne plus attendre.

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