Trop beau pour nous
Puisque c’est à la mode, déconstruisons un peu cette rubrique, normalement dévolue à de somptueux objets de luxe inabordables, pour y causer cette fois d’une revue autoéditée, au tarif tout à fait aimable (15 euros, une bonne centaine de pages, c’est cadeau). Phantom, titre apparu au milieu des années 90, est ce qu’on appelait autrefois un fanzine, c’est-à-dire un magazine amateur à la parution parfaitement irrégulière, au ton généralement impertinent et à l’érudition scotchante. Un peu le contraire d’un podcast cinéma, et pas le genre de chose qu’on laisse généralement traîner à la vue de tous sur sa table basse en acajou. Oui mais voilà, ce Phantom n°(1) 0 est beau et chic, citant Damiano sur son extraordinaire couv cachant l’essentiel, et faisant s’entrechoquer Star Suburb et Le 13e Guerrier dans les pages intérieures. Vingt-trois ans après sa dernière parution, le fanzine créé par le journaliste Nicolas Rioult revient, vraisemblablement pour la dernière fois, avec un numéro consacré à la disparition. S’y rencontrent des films et des personnages coincés depuis trop longtemps dans les limbes du cinéma, et à qui l’oubli va plutôt très bien. Morceau de choix : un gros dossier consacré à Friends and Enemies de l’inconnu Andrew Frank, oeuvre complètement invisible, indisponible à peu près partout et présentée dans ces pages comme un parfait classique du cinéma américain 90s. On voudrait le découvrir immédiatement mais c’est parfaitement impossible, il a disparu, pschiiit… Pouvait-on vraiment rêver plus bel « objet du désir » que ça ? u
Phantom n°(1) 0 (dans les librairies spécialisées, 15 euros)