James Bond mortel ? est-il
Mourir peut attendre est en salles depuis trois semaines. Il est grand temps de revenir sur la fin du film qui a surpris tout le monde. Et, pour les retardataires, comme tout bon débrief, on se permet tous les SPOILERS !
Au fond, tout est fake chez Bond. Quelle que soit l’histoire, quels que soient les efforts de réalisme, personne n’a jamais vraiment cru à la réalité des dangers que le Commander affronte depuis soixante ans. Pour une bonne raison : le pacte avec le spectateur est clair depuis le début, Bond est immortel. C’est le propre des fantasmes, d’ailleurs – on ne nous demande pas d’y croire, juste d’y rêver ou de s’y projeter. On comprend donc que le monde ait été surpris par la fin de Mourir peut attendre où l’agent britannique se sacrifie pour sauver son amour et sa fille. Au moment de la sortie, la presse parlait même d’un « tabou », d’une « ligne blanche franchie », d’un « sacrilège » .
Fin de partie
Mais si Bond est immortel, Bond est déjà mort. Dans le prégénérique de Bons Baisers de Russie, on voyait l’exécution d’un faux Bond ; dans Opération Tonnerre, il y a ce cercueil siglé d’un JB et dans On ne vit que deux fois, on organise ses funérailles marines… Bond n’arrête pas de mourir, et c’est d’ailleurs la seule façon pour lui de continuer à exister. De se réinventer. Comme tous les héros, il doit, d’un épisode à l’autre, crever pour éviter de disparaître, mourir pour se rebooter et rester « d’actualité » (en tant que métaphore de l’évolution du monde et accessoirement du cinéma). Mais depuis les derniers Brosnan, Bond était dans une impasse. Pour en sortir, l’ère Craig a choisi de se concentrer sur le personnage et de le montrer se débattre avec sa mortalité en temps réel. Plutôt que vers l’extérieur (les décors, les gadgets, les filles), ses aventures regardaient vers l’intérieur, interrogeaient son humanité et ses émotions. Casino Royale racontait sa naissance, et tous les épisodes suivants le confrontaient à la mort. On arpentait son passé, on déterrait ses squelettes, on le foutait même à poil… Son droit de tuer n’était plus un droit, mais une fatalité. Son double zéro une malédiction. On savait bien qu’il n’y avait qu’une issue. On le savait même depuis le premier quart d’heure de Casino Royale où il prévenait M : « Les double zéro ont une espérance de vie très courte ; votre erreur ne durera pas. » Bon, il lui aura tout de même fallu quinze ans. Quinze années passées à essayer de corriger cette « erreur » (fausse mort, renvoi, retraite). Pour arriver à la seule solution possible : mourir vraiment. Ce qui est beau dans la séquence finale de Mourir peut attendre, c’est qu’en disparaissant, Bond/Craig retrouve son humanité. Il permet surtout à la franchise de reprendre ses droits. Le personnage n’appartient pas à Craig mais aux producteurs, aux studios. Et surtout aux spectateurs. C’est le sens à donner à la dernière phrase de Madeleine Swann à sa fille : « Je vais te raconter l’histoire d’un homme. Son nom est Bond. James Bond. » À ce moment-là, Bond quitte l’Histoire pour rentrer dans la légende. Jamais le carton final n’aura été aussi légitime. James Bond will return, oui. Et cette fois-ci, d’entre les morts.