Première

Marie-Julie Maille d’ombres et de lumières

Monteuse de formation, la femme de Xavier Beauvois est l’une des protagonis­tes de cet Albatros qu’elle a également coécrit. Portrait.

- U PAR THOMAS BAUREZ

Elle est là, au bord d’un cadre incertain, le visage à moitié hors champ. Notre interview avec Xavier Beauvois n’est pas « en présentiel », selon le jargon postCovid. Eux en Normandie ; nous, à Paris. Le Wi-Fi entre les deux. Sur le petit écran, face à nous, le cinéaste est peut-être au centre, mais la grâce de Marie-Julie Maille n’a pas besoin de trop forcer pour s’imposer. Discrétion n’est pas forcément synonyme de retrait. Pour Albatros, elle n’a rien demandé à personne et la voilà soudain tout en haut de l’affiche, à côté de Jérémie Renier, à jouer les premiers rôles. Elle est Marie, la femme qui doit maintenir à flot son mari, commandant de brigade près d’Étretat, rongé par la culpabilit­é. Sa présence a quelque chose de pur, d’innocent, comme si rien n’était prémédité et que la vérité soudain nue prenait possession des lieux, des choses et des êtres. L’intéressée tempère : « Xavier voulait faire tourner notre fille Madeleine, on s’est dit que ce serait plus simple si j’étais là avec elle. » Sur sa relation avec Xavier Beauvois, rencontré sur le montage du Petit Lieutenant où elle assistait Martine Giordano, elle a cette jolie formule dans le livre Un monde hors champ – Derrière la caméra de Xavier Beauvois : « Il peut être dans les méandres de la contemplat­ion tandis que je vais planter des patates. » Il y aurait donc d’un côté la mer, ses tempêtes, ses naufrages, sa formidable puissance créatrice aussi ; et de l’autre, la terre, solide par nature, qui permet de garder ses appuis. On schématise peut-être mais les choses se devinent ainsi. Partie du nord de la France, issue d’une famille de paysans et d’ouvriers, la jeune femme, qui avoue avoir lu Première dans sa jeunesse et accroché des affiches de films dans sa chambre, est passée par la Fémis, section montage.

Trouver sa place

Cette inconditio­nnelle de Maurice Pialat, qui rêve « d’avoir les jambes de Cyd Charisse », travaille dans la foulée aux côtés de Martine Giordano sur les films d’André Téchiné d’abord puis de Xavier Beauvois. L’amour prend bientôt le dessus, mais pas totalement. Disons qu’il équilibre différemme­nt les choses. Le travail se mêle alors au quotidien. Son premier long métrage en tant que chef monteuse est Des hommes et des dieux. Croisette, César, millions d’entrées. Elle participe également au scénario des films de son mari, prend la pose le temps d’une séquence (Les Gardiennes), puis d’un film (Albatros). « Cette expérience est exceptionn­elle, je ne me revendique pas spécialeme­nt actrice… Sur Albatros, tout a été tourné ici, chez nous, en Normandie ; trouver ma place était naturel… » Marie-Julie Maille sait de quoi elle parle. Elle est adjointe au maire de Bénouville. Ici, au calme, elle se sent bien, plus en phase avec son caractère qui lui fait préférer l’indépendan­ce et la solitude à la vie en bande. Monter un film, c’est raccorder des êtres entre eux tout en restant à distance. Lors de notre entretien, elle n’a jamais cherché à recadrer les choses, écoutant patiemment, apportant ici et là quelques précisions. Elle s’est éclipsée un peu avant Xavier Beauvois. Hors champ. Libre.

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