ONCE UPON A TIME… IN SOHO Les sixties selon Edgar Wright
Dans Last Night in Soho, une jeune fille du XXIe siècle parvient à voyager toutes les nuits dans le Swinging London des années 60. Un rêve ? Plutôt un cauchemar, selon le réalisateur Edgar Wright, qui explore la face sombre de la décennie de tous les fantasmes et pose une question explosive : faut-il brûler les sixties ?
En aura-t-on un jour fini avec les années 60 ? Elles ont pris fin il y a cinquante et un ans mais on continue de ne parler que d’elles – de leur insouciance, de leur musique, de leurs fringues, de leurs conquêtes, de leur soif de liberté. Quentin Tarantino vient d’en remettre une couche en librairies avec la novélisation de son conte de fées Once upon a time… in Hollywood, Peter Jackson s’apprête à ressusciter les Beatles (le docu The Beatles : Get Back, en novembre sur Disney+), David Chase raconte la jeunesse de Tony Soprano dans le New Jersey de 1967 (The Many Saints of Newark)… On n’en sort pas. Les millennials vomissent les baby-boomers mais le mythe emblématique du babyboom, la décennie de sa jeunesse et de son triomphe, se porte bien, merci pour lui. Comment est-ce possible ?
Pourquoi tant d’amour ? Et pourra-t-on un jour tourner la page ? Il fallait bien un Anglais spécialiste ès pop culture pour répondre à ces questions. Né en 1974 (à mi-chemin, donc, des boomers et des millennials), gavé de mythologies XXe siècle (les zombies, les bagnoles, la pop music, les buddy movies) mais de plus en plus déterminé à mettre en scène des protagonistes juvéniles (le héros de son précédent film s’appelait « Baby »), Edgar Wright était l’homme de la situation. Thriller fantastique voyageant entre présent et passé, entre le Londres gentrifié d’aujourd’hui et celui, plus sexy mais aussi plus dangereux, des années 60, son Last Night in Soho exprime vis-à-vis des sixties un double mouvement de désir et de rejet, de fascination et de répulsion (comme disaient Catherine Deneuve et Roman Polanski dans le Swinging London de 1965). Un pied dans un passéisme enivrant, l’autre dans un désir de relecture culturelle né sur les braises de #MeToo. Ce qui n’est pas forcément un paradoxe, comme l’explique ici l’intéressé.