ILLUSIONS PERDUES
Xavier Giannoli adapte le roman de Balzac pour en révéler la perfide actualité et laisse parler la force imparable de sa mise en scène. Impressionnant.
Balzac, terreur des collégiens accablés sous le poids de ses descriptions, est très soluble dans le cinéma. Pour preuve, après Eugénie Grandet de Marc Dugain, voici Illusions perdues, déboulonnage en règle du petit monde du journalisme parisien sous la Restauration. La grande question à chaque adaptation est bien sûr de pointer l’actualité criante du texte. Giannoli n’y va pas par quatre chemins et use d’une voix off omniprésente pour asséner l’adage du « tous pourris » traversant les siècles. C’est édifiant, forcément, et bien malin celui qui pourrait lui apporter la preuve du contraire. Rappelons que Marguerite, son opus précédent, voyait déjà une naïve trop généreuse obtenir les faveurs de pique-assiettes. Giannoli est tiraillé par cette notion du paraître qui peut voir un chanteur de bal, un bon bougre ordinaire ou encore un escroc tragique, se prendre les pieds dans la lumière artificielle du réel. Le cinéaste lui-même serait-il un peu de ceux-là, la fiction lui permettant par un jeu de miroir de remettre un peu les choses à l’endroit ? Si Illusions perdues est un film passionnant, il le doit moins à la prose réinventée de Balzac qu’à la force de son inspiration de cinéaste. La mise en scène impressionnante de maîtrise construit et déconstruit dans un même geste un solide édifice dans lequel le monde, devenu théâtre, est peuplé de fragiles marionnettes. On soulignera enfin la prestation tout en finesse de Benjamin Voisin, formidable dans la peau de Lucien de Rubempré, jeune homme (é)perdu sur lequel se cristallisent toutes nos illusions. u
ALLEZ-Y SI VOUS AVEZ AIMÉ BarryLyndon (1975), LeTempsretrouvé (1999), EugénieGrandet (2021)
Pays France • De Xavier Giannoli • Avec Benjamin Voisin, Cécile de France, Xavier Dolan, Vincent Lacoste… • Durée 2 h 29