A Bigger Splash
La plupart des biopics s’avèrent incapables de tenir leur grande ambition : percer le mystère de la création. Noyés sous le poids d’une dramaturgie immuable ( rise, fall et tutti quanti), les cinéastes érigent l’anecdote au rang de repère historique, reléguant dans l’angle mort la préméditation du geste. Avec le culte A Bigger Splash (1973), fiction déguisée en documentaire sur le peintre britannique David Hockney, Jack Hazan réussissait le même tour de force que Clouzot dans Le Mystère Picasso : capturer en plein vol l’éclat de l’inspiration. Objet arty et jadis scandaleux (cf. la séquence d’amour entre deux garçons), A Bigger Splash ne cherche pas à coller aux toiles du maître, dont on va suivre pourtant la fabrication, mais bien à ses baskets. Hockney, figure du dandy échappé du Swinging London et rattrapé par les sirènes du pop art américain, court, s’échappe, aime, discute, photographie, dessine… La caméra est là, omnisciente, c’est elle qui guide l’action, met en scène ces moments de vérité morcelés. Le scénario part d’une séparation de l’artiste et de son amant-modèle. Il faut continuer à peindre même si l’amour vacille. Le bel éphèbe est le grand absent d’un tableau qui ne parle pourtant que de lui. Sur une autre toile, l’amant, cette fois en chair et en os, regarde penché son double immergé. Le génie de Hockney est d’avoir traduit les mouvements de l’âme, et ici l’invisible prend les couleurs d’une chaude après-midi californienne. En bonus, Bertrand Bonello dit tout le bien qu’il pense de ce film « plus vrai que la réalité » .
De Jack Hazan • Documentaire • Éditeur Les Films du Camélia • Bonus • En coffret Blu-ray/DVD