Première

L’ÉVÉNEMENT

Lion d’or à la dernière Mostra, cette adaptation sobre et juste est un survival glaçant dans la France des sixties. Une complète réussite.

- THOMAS BAUREZ

À la sortie de L’Événement, roman autobiogra­phique où Annie Ernaux racontait son parcours pour se faire avorter clandestin­ement dans la France des années 60, l’auteure expliquait avoir voulu résister « au lyrisme et à la colère ». En adaptant ce récit, Audrey Diwan voyait devant elle un chemin a priori balisé sur lequel ses pas devaient tant bien que mal respecter une cadence, une humeur. Pour échapper au lyrisme, la réalisatri­ce opte pour une image au (presque) carré qui emprisonne un être que la caméra suit de près. « Il fallait qu’il y ait contrainte pour qu’il y ait enjeu », affirmait jadis Chabrol scrutant Huppert faiseuse d’anges, entre quatre murs très resserrés dans son Affaire de femmes, contretype de L’Événement. Chez Audrey Diwan, le hors-champ tient lieu de menace, le cadre devenant un sanctuaire où l’héroïne – jugée impure par une époque – se protège, se bat et se tient prête. Droite surtout. Le hors-champ empêche l’exhibition d’une époque reconstitu­ée et ajoute par soustracti­on un surcroît d’intemporal­ité (le combat continue). Quant à la « colère », il faut voir Anne (Anamaria Vartolomei, un événement à elle seule !) aller au bout de son combat avec les appréhensi­ons d’une reine et un calme tout

aussi souverain, elle est l’expression d’une rage souterrain­e dont les vibrations fracturent le monde. Trois ans après Mais vous êtes fous, où là encore la menace venait de l’intérieur même d’un corps, Audrey Diwan signe un survival tendu, où l’enjeu ne repose pas seulement sur les faits relatés mais sur l’élan qui rend possible une résistance à l’ordre établi.

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Anamaria Vartolomei

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