Première

The Pawnbroker

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En 1964, lorsque le film sort, Sydney Lumet est déjà quelqu’un. Il a dirigé Henry Fonda (Douze Hommes en colère), Marlon Brando (L’Homme à la peau de serpent) ou encore Katharine Hepburn (Long Voyage vers la nuit). Le voilà maintenant face au bloc Rod Steiger, vieilli pour l’occasion. C’est lui, le prêteur sur gages, homme fatigué et tourmenté, qui voit passer dans son échoppe de Harlem une jeunesse afro-américaine et portoricai­ne totalement paumée. L’homme est emmuré vivant dans ses névroses, hanté par des souvenirs angoissés de la Shoah. Ces traumas surgissent par flashs sur l’écran de sa conscience et contaminen­t un présent que Lumet, aidé de son génial chef op, Boris Kaufman (les images de L’Atalante de Vigo, c’était déjà lui !), a de toute façon choisi d’embaumer dans un noir et blanc stylisé. La mise en scène ne ménage d’ailleurs pas ses effets expériment­aux pour suggérer le sombre vertige : montage cut, répétition­s, ralentis, musique jazzy et magnétique de Quincy Jones... En cela, la séquence d’ouverture, entièremen­t muette, précipitan­t un moment de bonheur familial dans le chaos, est assurément l’une des plus fortes de toute l’oeuvre de Lumet. Alors que le nom du cinéaste américain décédé en 2011 ressurgit cycliqueme­nt dans les temples cinéphiles comme un secret de moins en moins bien gardé, ce Pawnbroker doit s’appréhende­r comme la matrice des chefs-d’oeuvre à venir. En bonus : Nicolas Saada et Jean-Michel Frodon décryptent la merveille.

De Sydney Lumet • Avec Rod Steiger, Geraldine Fitzgerald, Brock Peters… • Éditeur Potemkine • Bonus Pas vus • En DVD et Blu-ray

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