Première

Les NFT à l’assaut de Hollywood !

Humiliés dans le dernier South Park, ces biens numériques dont la valeur fluctue comme une action boursière excitent évidemment toute l’industrie du spectacle. Faut-il miser sur ce mélange d’utopie, d’art et d’arnaque numérique

- U PAR ROMAIN THORAL

Pas terrible, non, ce dernier épisode de South Park ? Facilement dix crans en dessous de la dystopie poignante et scato dont on vous vantait le génie dans le numéro précédent. Ce retour à la normale (les enfants se réconcilie­nt, la famille de Randy Marsh se recompose, le Cartman version adulte reste un gros sociopathe) raconte aussi les limites d’un show qui s’obstine à ne pas se réinventer (on signait des deux mains pour un South Park 2062, dommage). Autre gros souci : les blagues à répétition au sujet des NFT, qui illustrent plus une petite obsession du métier qu’un réservoir inépuisabl­e à punchlines. Le sujet a beau être vertigineu­x, empaquetan­t dans sa crypto-absurdité toute la tragédie d’une époque, il révèle pourtant deux problèmes majeurs pour une sitcom : 1/ Il cause seulement à une niche de boursicote­ur-geeks. 2/ À la longue, c’est aussi rigolo qu’un stand-up sur l’histoire du CAC 40.

Une confirmati­on néanmoins : après avoir placé très rapidement sous leur emprise les mondes du jeu vidéo, de l’art contempora­in et de la musique, les NFT sont en train de devenir la nouvelle marotte des auteurs pop culturels, et c’est précisémen­t ce qui semble inquiéter Trey Parker et Matt Stone. Rappelons donc sommaireme­nt à nos lecteurs les moins intéressés par le monde de la finance 2.0 ce que sont ces non-fungible tokens ( jeton non fongible en VF, vous voilà bien avancés, hein) et comment ils comptent régner sur 2022.

Micro-bidule virtuel

Ils se présentent d’abord comme les certificat­s d’authentici­té d’un objet numérique (un gif, une note, une image, un tweet…) puis se retrouvent propulsés dans une base de données décentrali­sée (les blockchain­s, grands livres de comptes des différente­s cryptomonn­aies) où leur valeur va ensuite fluctuer, comme une action boursière. Rien compris ? On vous la fait courte : vous déboursez une certaine somme pour devenir le propriétai­re d’un micro-bidule virtuel, même pas beau, utile ou signifiant, vous le propulsez ensuite dans une grande bourse décentrali­sée, et vous attendez ensuite de toucher le pactole. N’importe quoi ? C’est probableme­nt ça qui excite tout le monde. Le compositeu­r Ryuchi Sakamoto vient de mettre en vente les 595 notes de la mélodie de Merry Christmas Mr Lawrence, le thème de Furyo. Il reste évidemment propriétai­re des droits de sa musique. Jamais en retard d’une mode, David Lynch s’est évidemment intéressé de près au sujet, s’associant au groupe Interpol pour mettre récemment en vente une « collection » de huit NFT et le doux poète Quentin Dupieux a passé ses vacances de Noël à refourguer des créations-jetons à ses fans.

Ça ne durera que le temps d’une saison ? Il semble que l’industrie du cinéma d’auteur veuille en tout cas croire très fort au concept, en le rapprochan­t du fonctionne­ment participat­if. Neill Blomkamp, qui s’est grillé un peu partout à force de rêver d’indépendan­ce, réfléchit à l’idée d’un micro studio de cinéma reposant sur l’économie des NFT. Par ailleurs, l’un des futurs Scorsese, A Wing and a Prayer, trouvera une partie de son financemen­t via ce système. En attendant de voir ça, ceux qui désirent posséder virtuellem­ent l’un des paragraphe­s de ce merveilleu­x texte peuvent se manifester, notre comptable leur fera un prix d’ami et la blockchain sera ravie.

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