Le grand effacement
Ce n’était pas négociable : J. K. Rowling resterait à jamais la grande ordonnatrice de la galaxie Harry Potter ? Pourtant, sa quasi-éviction de l’émission-commémoration Retour à Poudlard raconte tout le contraire. Qu’a-t-il bien pu s’y passer ? PAR GAËL GOLHEN
En 2007, J. K. Rowling expliquait que la Warner lui avait proposé un pont d’or pour qu’elle laisse le studio faire joujou tranquillement avec sa création. « J’ai refusé. Une fois, deux fois, trois fois. Je ne voulais pas abandonner le contrôle de mon histoire, de mon univers. Je n’ai accepté de m’y remettre que lorsque j’ai obtenu la garantie que, s’il y avait des suites, ce serait MES suites. » Pas celles de Hollywood, ni celles que réclamaient les fans. Mais ça, c’était il y a quinze ans. Avant. Avant les polémiques, avant Les Animaux fantastiques… et surtout avant la grande réunion. Sur le modèle des retrouvailles de Friends, du Seigneur des anneaux ou d’Urgences, Harry Potter a eu le droit à son Retour à Poudlard sur notre Salto nationale. Une madeleine nostalgique, un petit trip druckerisé où toute l’équipe était réunie pour fêter les 20 ans de la saga. Un beau moment, drôle, gentiment rétrospectif, émouvant même, où il ne manquait rien ni personne. Sauf… J. K. Rowling.
Pendant près de vingt ans, Harry Potter fut sa franchise. Elle régnait sur l’univers comme Lucas sur Star Wars : un démiurge en son château, seule à posséder les clés du royaume. Pourtant, en 1 h 48 d’hommage cosy, la reine Rowling ne fut citée que dix fois (on a compté), c’est-à-dire même pas toutes les 10 minutes. Et si elle passe bien une tête au milieu de la célébration, c’est à travers une image d’archive datant de 2019 qui dure moins de 30 secondes. Reléguée dans la dynastie Potter au même rang qu’un chef op de seconde équipe. La raison de cette disparition reste obscure. HBO, producteur du show, affirme que c’est Rowling elle-même qui n’a pas voulu intervenir, mais il est impossible de ne pas y voir une des conséquences des polémiques que l’auteure a alimentées via des tweets jugés transphobes et une dénonciation de la « cancel culture » .
J. K. Rowling s’est-elle fait « canceler » de sa propre mythologie ? Jusqu’ici, elle résistait encore et encore et avait réussi à nourrir, à l’abri de toute interférence et de toute homogénéisation, son petit village britton. Cela semble fini et sa dernière intervention publique sonne aujourd’hui comme un aveu d’impuissance : « J’ai créé un monde dont il était extraordinaire d’être partie prenante. C’était un monde merveilleux. » Faire disparaître pour de bon sa propre créatrice : et si c’était le plus grand tour de magie effectué par ce bon vieux Harry ?
HARRY POT TER 20E ANNI VERSAIRE : RETOUR À POUDLARD Disponible sur Salto