UN BATMAN TOUJOURS PLUS RÉALISTE
Après l’extravagance cartoon des années Adam West, la fantasmagorie gothique du diptyque Burton, puis la fièvre nanar du cycle Schumacher, la nouvelle incarnation ciné de Batman n’a plus d’autres choix que de tout miser sur une sobriété et un pessimisme qui se glisseront à merveille dans le monde post-11/09. Batman Begins (2005) sera un carton, sa suite The Dark Knight (2008), une sorte de séisme. La visée « réaliste » et brut de décoffrage imposée par Christopher
Nolan trouve évidemment sa logique dans l’absence de superpouvoirs du justicier masqué et son inspiration dans une longue collection de comics géniaux – notamment ceux scénarisés par Frank Miller. Après ce lifting-là, Batman ne pourra plus jamais faire demi-tour, il devient The Dark Knight. Dans l’imaginaire collectif, comme dans les bureaux du studio Warner, il s’impose comme une promesse de blockbusters inquiets (Batman v Superman) et un antidote de choix à l’inconséquence fluo des rivaux Marvel. Plus inattendu : Joker de Todd Phillips (2019) et son parfum fum scorsesien viendront prouver que c’est en fait toute la mythologie Batman qui semble soluble dans un certain naturalisme – ainsi que dans la catégorie films à Oscars. Le film de Matt Reeves débarque donc dans un contexte qui lui est à la fois très favorable (neuf ans après The Dark Knight Rises, tout le monde a envie de voir une nouvelle aventure de Batman solo) et particulièrement piégeux (peut-il vraiment devenir un phénomène de société comme The Dark Knight ou Joker ?). Sa botte secrète : un désir farouche de se débarrasser des fanfreluches et de se glisser dans le costume du film noir capté au ras du goudron. Une simple investigation menée par un type se trimballant en costume de chauve-souris ? Sûr qu’Adam West est loin tout d’un coup.