ENTRE DEUX REEVES
S’il a longtemps fait carrière dans l’ombre de son copain J. J. Abrams, Matt Reeves s’est émancipé avec La Planète des singes. Et s’apprête à confirmer avec The Batman.
Quand Cloverfield sort en 2008, pratiquement personne ne parle de son réalisateur. Tous les yeux sont braqués sur le producteur J. J. Abrams, golden-boy derrière Alias et Lost, qui s’est fait un nom de cinéaste deux ans auparavant avec son Mission : Impossible III. Un peu dépossédé de son film, Matt Reeves laisse couler : ce qui aurait dû être son explosion ne sera finalement qu’une étape de plus en attendant la reconnaissance. Comment en vouloir à son pote, qu’il connaît depuis ses 13 ans, d’incarner le visage souriant d’une culture geek dont Hollywood commence à comprendre la valeur financière ? Dans l’ombre d’Abrams depuis qu’ils ont cocréé la série Felicity, Reeves se sera essayé en solo à la comédie romantique (son très vite oublié Porteur de cercueil, sélectionné en 1997 à Un certain regard), au scénario (le grand écart entre Piège à grande vitesse et The Yards de James Gray) et à la réalisation de séries TV avortées (Miracles, Conviction…). Mais après un remake mollasson de Morse du Suédois Tomas Alfredson (Let me in, 2010), Matt Reeves semblait carrément au bout du rouleau. N’était-il qu’un faiseur appliqué comme mille autres à Burbank ? Son salut viendra de Warner Bros., qui croit suffisamment en lui pour lui confier la suite de
La Planète des singes. Surprise. Avec L’Affrontement et Suprématie, il se révèle capable de jongler entre conflits
Légende à grande échelle et drames intimistes, pop-corn movie et métaphore politique bien troussée. Le nom « Reeves » devient une marque hollywoodienne et c’est à nouveau vers lui que le studio se tourne pour relancer une énième fois son joyau, le Dark Knight. Légende « J’ai dit à Warner Bros. qu’il fallait me laisser la liberté de faire le film Batman définitif, nous assuret-il en interview sur Zoom. Impossible de se lancer à moitié dans un Batman, impossible de le faire en dilettante ! Il faut viser les étoiles. Ça ne veut pas dire qu’on y arrivera, mais si on part sans ambition, ça sera forcément une catastrophe. Je n’aurais pas toléré de me louper sur le personnage de comic book que j’aime le plus. » On fixe sa grosse moustache bien peignée qui le fait ressembler comme deux gouttes d’eau au commissaire Gordon. Aucun poil ne tressaille, il doit donc dire vrai.