SIMON REXPORN TO BE ALIVE
Révélation bouillonnante de Red Rocket où il incarne une star du porno en bout de course, Simon Rex nous raconte son chaotique parcours fait de VHS coquines, de parodies nanardesques et de tournées avec les Red Hot Chili Peppers. Une histoire comme on n’en fait qu’à Hollywood.
Il a une plastique de pur produit hollywoodien : un bon mètre 85, yeux bleus, pectoraux musclés qui ressortent négligemment sous la chemise, pommettes saillantes, sourire ultra white. Un peu fake, un peu aguicheur, sincèrement charmant. Un beau gosse que Sean Baker s’amuse à malmener dans Red Rocket en lui faisant prendre les traits de Mikey Saber, acteur porno déchu qui retourne dans son Texas natal pour habiter chez son ex-femme et sa belle-mère. Simon Rex y est l’attraction principale, un concentré de bagout et de coolitude. À Cannes, on ne parlait que de son ancienne carrière de porn star, comme si tout le film était un troublant miroir tendu à son passé. La réalité est un peu moins sulfureuse : trois, quatre scènes de masturbation en solo dans Young, Hard & Solo #2, Young, Hard & Solo #3 et Hot Sessions III. Et un alias : Sebastian. « J’avais 18 ans et ma copine posait pour des magazines pour adultes. Je trouvais ça super cool ! Et il fallait bien payer mon loyer. Mais je n’ai pas passé assez de temps dans cette industrie pour que ça influence le personnage de Mikey. C’est un peu trop facile de faire le lien », objecte-t-il depuis la terrasse du Palais des Festivals. Il parle vite, comme si l’attention que lui portent enfin les journalistes ciné pouvait disparaître à tout instant. À 47 ans, Simon Rex aura vécu dix vies dans
l’entertainment : modèle pour des marques de luxe ; VJ célèbre à la grande époque de MTV ; second rôle dans tout un tas de séries (Alerte à Malibu, Cuts face à Meghan Markle…) et de films parodiques (Scary Movie 3, 4 et 5) ; star de l’éphémère réseau social Vine (« C’était moi, sans filtre »)… Une carrière en dents de scie, marquée par une parenthèse enchantée dans le rap, sous le pseudonyme de Dirt Nasty. « J’ai fait le tour du monde et même la tournée des stades en Europe en première partie des Red Hot Chili Peppers ! Mon agent m’appelait, affolé : “T’es où ? On a une audition pour toi.” Hors de question de partir, je m’éclatais sur scène. Mais après, ça a été super dur de revenir dans le jeu. Je me suis dit que j’avais merdé. Je n’étais plus désirable. Avec le recul, il me fallait sûrement cette gravité pour sortir de ma zone de confort. »
Le pénis de Schrödinger
La pente est dure à remonter, Rex tient le coup grâce à sa popularité sur les réseaux sociaux et replonge dans les nanars parodiques. Une claque violente pour ce fils unique de hippies de San Francisco, dont les parents se sont séparés quand il avait 2 ans. Papa se barre, Simon grandit avec sa mère et un beau-père alcoolique et drogué. Des années de thérapie plus tard, Sean Baker débarque dans sa vie alors que le téléphone a depuis bien longtemps arrêté de sonner. « J’ai un oeil sur Simon depuis le début des années 90, nous raconte le cinéaste. J’ai toujours trouvé qu’il avait un immense potentiel comique. » Pas forcément suffisant pour lui confier le rôle principal de son film. Le déclic viendra avec Bodied, sur l’univers des battles de rap : « Ça m’a sauté aux yeux : il était prêt pour se lancer dans un rôle dramatique. Quand j’ai voulu faire Red Rocket, ma femme m’a rappelé qu’il serait parfait pour jouer Mikey. Je l’ai appelé, il m’a dit : “J’ai le cul vissé à Joshua Tree, rien à faire, le rôle a l’air super. J’arrive.” »
Rex prend cette bouée de sauvetage et trace la route durant trois jours avec sa copine de l’époque, qui conduit pendant qu’il révise compulsivement ses dialogues. Direction le Texas. Il se raccroche à ce qu’il comprend du personnage de Mikey : « J’ai fréquenté assez de sociopathes et de narcissiques à Los Angeles pour jouer ce type ! Sans parler de la masculinité toxique hollywoodienne… Mais il fallait que ce mec soit fun, qu’on puisse l’aimer. Sinon, c’est juste un connard ! Being cute, ça, je sais faire. Par contre, les scènes plus dramatiques, où je devais être vulnérable… le challenge était là. Être nu émotionnellement, plus que physiquement. » Car Simon Rex est pas mal à poil dans Red Rocket. Notamment dans une scène où il court en tenue d’Adam, exposant un pénis hors normes. « Vous voulez savoir si c’est le mien ou une prothèse, c’est ça ? No comment. Tout le film est ouvert à interprétation, même le pénis. Gardons un peu de mystère. Le monde en manque pas mal en ce moment. »