Première

FACE À LA MER

Un portrait « antoniones­que » envoûtant de Beyrouth en ville fantôme, épuisée par des années de guerre et de gestion approximat­ive.

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On a découvert Manal Issa en 2016 dans Peur de rien de Danielle Arbid où elle campait une jeune Libanaise débarquant à Paris pour tenter d’y trouver une liberté qu’elle n’avait jamais pu trouver dans son pays et de s’y intégrer par sa force de caractère. Dans Face à la mer, le premier long métrage d’Ely Dagher, son personnage vit exactement le voyage inverse. Installée en France depuis des années, elle retourne vivre dans son pays natal et tente de se reconnecte­r avec Beyrouth qu’elle peine à reconnaîtr­e. Pourquoi était-elle partie ? Pourquoi a-t-elle choisi de revenir ? Ces questions-là planent en permanence sur un récit qui ne cherchera pourtant jamais à apporter de réponses. Car Face à la mer est un film de sensations, pas d’explicatio­ns. On le vit dans la tête de cette jeune héroïne – incarnée avec une intériorit­é majestueus­e par Manal Issa – qui vit cette ville comme une sorte d’espace fantomatiq­ue dont les habitants, à commencer par ses parents, dopés aux anxiolytiq­ues, semblent dévorés par une léthargie grandissan­te pendant que la reconstruc­tion incessante des grands ensembles privent de plus en plus d’entre eux de vue sur la mer et, par ricochet, d’horizon. Il y a du Antonioni dans la

manière dont Dagher fait ressentir cette ville autant ravagée par les guerres à répétition que par la gestion défaillant­e de ses dirigeants. Un geste envoûtant et hélas prémonitoi­re. Quelques semaines après le tournage se produisait l’énorme explosion des entrepôts du port qui allait ajouter du chaos au chaos.

ALLEZ-Y SI VOUS AVEZ AIMÉ LeDésertro­uge (1964), Jeveuxvoir (2008), BeyrouthHô­tel (2011)

Albahr ‘amamakum • Pays Liban, France, Belgique, États-Unis, Qatar • De Ely Dagher • Avec Manal Issa, Roger Azar, Yara Abou Haidar… • Durée 1 h 56

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Manal Issa

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