Première

WALTER HILL des flingues et des stars !

Guerriers de la nuit, 48 heures

- ◆ PAR GAËL GOLHEN

Célébré à la Cinémathèq­ue et à Reims Polar, le cinéaste des et Sans retour n’est pas qu’un génie du bourre-pif à l’ancienne et du ralenti lyrique, il est aussi l’un des plus grands directeurs d’acteurs de sa génération. Il évoque pour nous son impeccable tableau de chasse.

CHARLES BRONSON LEBAGARREU­R 1975

« À la base, je voulais Jan-Michael Vincent mais le studio a insisté pour que je prenne Bronson. L’enfer : j’avais imaginé le rôle pour un jeune type et je me retrouvais avec une vieille star de plus de 50 piges… Il était différent de ce que j’avais écrit, mais fort, très fort. Et en excellente condition physique. Il aurait pu mettre KO n’importe qui. Sur le plateau, il avait la réputation d’être un “director’s killer”, mais je n’ai jamais eu de problème avec lui. On s’est pris la tête une ou deux fois, mais j’ai la désagréabl­e habitude de répondre quand on me cherche. »

ISABELLE ADJANI

DRIVER 1975

« Fox ne voulait pas financer le film à 100 %. EMI a mis des parts et demandé que ce soit une actrice européenne qui incarne la joueuse. À l’origine, je voulais Tuesday Weld, et je me suis rabattu sur Isabelle. Je l’avais vue dans ce film de Truffaut [ Adèle H.] ] qu’elle vampirisai­t littéralem­ent. Quand je l’ai appelée, elle a tout de suite accepté, elle avait vu et aimé Le Bagarreur… … C’est une femme très intelligen­te et très profonde. Elle aimait les films noirs et je lui avais dit que j’essayais de faire une version moderne du Port de l’angoisse. Elle me parlait beaucoup du cinéma de Hawks et de Walsh qu’elle connaissai­t parfaiteme­nt. Le seul ennui, c’était son anglais, pas terrible. Et de fait, les spectateur­s américains ne la comprenaie­nt pas. »

EDDIE MURPHY

48HEURES 1982

« Je voulais un acteur noir aux côtés de Nick Nolte, parce que je savais que ça permettait d’exploser la formule du buddy movie. On a contacté Gregory Hines qui n’était pas libre... Un beau jour, on me parle d’Eddie. À l’époque, c’est la star du SNL. Mais moi je ne le connaissai­s pas parce que le samedi soir, je suis bourré ou alors en train de dormir ! Quand j’ai parlé d’Eddie à Nick, je lui ai expli-expliqué ceci : “Ce type est plein de talent. Mais toi tu vas devoir jouer comme si tu étais face à un enfant ou un clébard. Il n’a aucune expérience. Donc dès qu’on aura une bonne prise, on arrête ! Tu as intérêt à être bon tout le temps.” J’avais tout faux… Eddie était déjà une machine de guerre. »

RICHARD PRYOR COMMENT CLAQUER UN MILLION DE DOLLARS PAR JOUR 1985

« J’ai tourné ce film avec Richard pour voir si j’étais capable de faire autre chose que des trucs d’action. Il était à un moment compliqué de sa vie. Il était très inquiet parce qu’il avait peur de ne pas être drôle sans prendre de drogue tout en sachant que s’il continuait à taper de la coke, il en mourrait. C’est difficile de se réveiller tous les matins et d’aller bosser quand tu as ça en tête. Je l’admirais : il pouvait prendre n’importe quel aspect de la culture américaine et nous faire réfléchir dessus tout en nous faisant marrer. Pryor était le Mark Twain du cinéma : il révélait le monde dans lequel on vivait, et parvenait à nous le montrer sous un jour différent. Il pouvait nous divertir ou nous mettre en rage. Malheureus­ement, c’était un mec torturé et extrêmemen­t triste. »

NICK NOLTE EXTRÊME PRÉJUDICE 1987

« Après 48 heures, Nick est devenu un ami. On m’a proposé ce script de [John] Milius et j’ai pensé à lui. Un peu pour rigoler, je l’ai appelé et je lui ai dit : “Nick, j’ai ce scénario, mais je ne sais pas si tu seras capable de jouer un Ranger. Pas sûr que tu sois assez balèze. Par ailleurs, toi tu as toujours besoin de dialogues pour trouver tes personnage­s, or ce mec parle peu…” – “Tu te fous de ma gueule, c’est ça ? Tu plaisantes ? Je veux le lire ton truc !” (Rires.) Je lui ai demandé de passer deux mois avec un vrai Ranger, Joaquin Jackson. Il lui a tout pris : le regard d’acier, le chapeau blanc, la chemise boutonnée jusqu’au cou, et cette diction rocailleus­e… Quand tu as Powers Boothe et Nick dans un film, tu te contentes de régler ta caméra. Je n’avais rien à leur conseiller. De toute façon, je l’ai toujours dit : je ne suis pas un coach d’acteurs, je suis un réalisateu­r. »

BRUCE WILLIS DERNIERREC­OURS 1996

« Encore un “director’s killer”. Bruce me rappelait Steve [McQueen]. Ils étaient foncièreme­nt méfiants et on devait constammen­t rester à distance. Sur le plateau, il fallait que les choses avancent. C’était un job, il fallait le faire et il fallait le faire bien. Je me souviens de mon cameraman qui m’avait dit un jour : « Pour l’instant, c’est cool. » J’avais répondu : « Oui, il est à l’heure, il connaît son texte, il est impliqué. C’est top. » Et mon cameraman m’avait répondu : « Mais fais quand même gaffe, ce type c’est de la dynamite et la mèche vient d’être allumée. » On avait effectivem­ent l’impression qu’il était à deux doigts d’exploser et qu’il fallait le manier comme de la nitro… Il avait une immense classe, et cette intelligen­ce des types de la rue. Il était malin et comprenait tout de suite les rapports de pouvoir. Il voulait qu’on lui foute la paix. Je crois qu’au fond il avait aussi de la rancoeoeoe­ur.rancoeur. Il estimait qu’il aurait dû être plus reconnu pour ses talents. »

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