Première

On a vu Blonde !

L’adaptation du roman de Joyce Carol Oates sur Marilyn Monroe est l’un des événements les plus attendus de l’année. Et il est dispo en DVD d’occasion

- ! PAR FRÉDÉRIC FOUBERT

On fantasme l’adaptation de Blonde, le livre de Joyce Carol Oates sur la vie déchirée de Marilyn Monroe, depuis maintenant une bonne dizaine d’années. Andrew Dominik en parlait au début des années 2010, dans la foulée de la sortie de L’Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford – déjà une méditation sur la mort, la beauté, l’éternité et les icônes fracassées. Le film devait d’abord se tourner avec Naomi Watts, puis Jessica Chastain. De changement de casting en reports divers, on avait fini par penser qu’il ne se ferait jamais. Le réalisateu­r australien surdoué s’occupait en tournant des documentai­res sur Nick Cave ou des épisodes de Mindhunter. Puis Netflix a sorti son chéquier, Dominik a trouvé sa Marilyn (la tornade cubaine Ana de Armas) et le film… a continué de se faire attendre. D’abord espéré en 2021, il a été repoussé d’une année. La rumeur a dit qu’il serait trop cru et la monteuse Jennifer Lame est venue aider le cinéaste à mettre de l’ordre dans une première mouture décrite comme trop « excessive ». Et nous, pendant ce temps, un beau matin, on a fini par réaliser que Blonde, tiens donc, avait déjà été adapté. C’était en 2001, un an tout rond après la publicatio­n du roman, dans un téléfilm CBS en deux parties signé Joyce Chopra – et sorti chez nous peu de temps après en DVD.

Ellipses pudiques

À première vue, c’est de la téloche très grand public, le genre de mélo kleenex sur des « destins brisés » qui passent l’aprèsmidi sur M6, à l’heure de la sieste ou du repassage. Poppy Montgomery (pas encore visage récurrent des séries FBI : Portés disparus et Unforgetta­ble) joue Marilyn, entourée d’acteurs alors en pleine ascension ou en voie de ringardisa­tion (Patrick Dempsey, Kirstie Alley…). La lumière propre sur elle, le rythme du récit calé sur les coupures pubs… Vous voyez l’idée. Pourtant, même passé au tamis de la télé de network, on sent le livre qui résiste. La vraie-fausse biographie imaginée par l’écrivaine racontait comment la belle Norma Jeane Baker avait été détruite par le système pour devenir l’icône Marilyn. Certes ripolinée pour le prime time, cette adaptation reste un terrifiant catalogue d’agressions, de violences, d’abus divers – Marilyn passant son pacte faustien avec Hollywood en étant violée sur le tapis immaculé du patron du studio, Marilyn demandant à une secrétaire si l’arrière de sa robe blanche n’est pas taché de sang… Le fil rouge horrifique tracé par Oates est bien là, en filigrane, mais comme étouffé, englouti dans de pudiques ellipses. Et la toute fin fait l’impasse sur l’un des aspects les plus polémiques du livre : le portrait monstrueux du « Président » (vous savez qui) et l’hypothèse que la star a été assassinée. Andrew Dominik, lui, s’est pour l’instant contenté de dire que son film serait « très critique vis- à-vis des vaches sacrées de l’Amérique » . Au fond, découvrir ce Blonde oublié permet surtout de bien saisir les défis qu’aura à relever la version à venir : l’audace « politique », la traduction cinématogr­aphique du lyrisme déchirant de l’écriture de Joyce Carol Oates et, bien sûr, l’incarnatio­n, la possibilit­é ou non, pour une autre actrice, de « devenir » Marilyn. Voilà, on a vu Blonde… On peut voir Blonde, maintenant ?

BLONDE

De Joyce Chopra • Avec Poppy Montgomery, Patricia Richardson, Patrick Dempsey… • Éditeur Koba Films • En DVD

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