Première

Eva Green « Milady a un côté psychopath­e »

Dans Les Trois Mousquetai­res, Milady de Winter est présentée comme « un démon échappé de l’enfer ». C’est Eva Green qui incarne cette héroïne vénéneuse. Elle revient pour nous sur son rapport à l’oeuvre de Dumas et sur un tournage hors norme.

- U PAR THIERRY CHEZE

PREMIÈRE : Comment vous êtes-vous retrouvée à incarner Milady ?

EVA GREEN : C’est Vincent Cassel qui m’a castée ! (Rires.) On venait de terminer la série Liaison [Stephen Hopkins] quand il a parlé de moi à Dimitri Rassam. Peu après, j’ai reçu les scénarios. Ce n’est pas le genre de scripts que tu peux lire en diagonale. Il se passe en permanence quelque chose. En lisant le roman en parallèle, j’ai pu très vite percevoir les grandes différence­s entre la Milady de Dumas et celle que j’incarne. Et je préfère vraiment celle des films !

Pour quelle raison ?

Sa modernité y est beaucoup plus affirmée. Milady a un côté psychopath­e, elle trahit depuis la nuit des temps. Mais les films permettent de mieux comprendre pourquoi : c’est une blessure amoureuse qui l’a rendue ultrafémin­iste et mue par ce désir permanent de se venger des hommes. C’était une femme très humaine avant de devenir cette femme fatale. Une anti-héroïne dont le scénario permet de comprendre pourquoi elle est devenue insensible, diabolique et sans scrupule. Elle me paraît plus charnelle dans les films que dans les livres. Et c’est évidemment ce qui m’a donné envie de l’incarner. Car une fois que cette méchanceté est installée, les deux films ne vont cesser de creuser une humanité qui n’apparaissa­it pas réellement chez Dumas. Les scénarios l’ont aussi rendue beaucoup plus guerrière. Elle a de vraies scènes de combat où elle apparaît plus forte que les autres.

La présence de ces scènes d’action vous a aussi motivée à accepter le rôle ?

Quand je les ai découverte­s, je me suis d’abord dit que je n’avais plus l’âge ! (Rires.) Mais c’est finalement par ces scènes et la préparatio­n physique qu’elles demandaien­t que je suis rentrée dans le rôle. La Milady de Martin Bourboulon a voyagé dans beaucoup de pays, notamment en Asie, elle a des façons de se battre différente­s de celles des mousquetai­res, proches de ce qu’on peut voir dans Tigre et Dragon. Son look va avec tout ça. Les films ne trahissent évidemment pas Dumas mais posent un regard contempora­in sur ces personnage­s et ce récit.

Outre l’aspect physique, comment avez-vous composé le personnage ?

Je me suis appuyée sur son côté caméléon, là encore largement développé par rapport au roman. Milady est un jour rousse, un jour blonde, parfois garçon manqué, à d’autres moments femme fatale ou demoiselle en détresse… Elle s’adapte à ses interlocut­eurs et à ce que chacun attend d’elle. Il y a donc énormément de choses à composer et c’est de fait incroyable­ment ludique.

Vous avez eu le temps de répéter avec l’ensemble du casting ?

Non, car je suis arrivée tard sur le projet. J’ai débarqué sur ce tournage comme on saute dans le vide, en commençant par une grosse scène avec Vincent, qui joue Athos. Le fait de le connaître a été décisif car Athos et Milady ont été amants. Leur complicité devait sauter aux yeux d’emblée. Vincent est un animal indomptabl­e. Je l’adore car il n’a aucun filtre ! Il possède un instinct extraordin­aire et on se complète parfaiteme­nt parce que j’ai tendance à être trop cérébrale. C’est pourquoi il n’est jamais évident pour moi de débarquer au milieu d’une machinerie aussi imposante où tout le monde bosse ensemble depuis des semaines. Il me faut toujours un moment pour me débarrasse­r de mes inhibition­s. Mais commencer par une grosse scène aide : on n’a pas le temps de trop gamberger. C’est aussi arrivé avec François Civil. Alors qu’on ne se connaissai­t pas, on nous a mis dans le bain direct avec une scène assez sensuelle et une autre de combat extrêmemen­t physique. Une fois terminées, on savait qu’on pouvait tout faire ! (Rires.)

Quelle direction vous a donné Martin Bourboulon avant de vous lancer ?

Le texte est assez fleuri, les dialogues parfois directemen­t repris de chez Dumas. Je le trouve vraiment très beau. Mais Martin tenait à ce qu’on ne déclame pas trop, qu’on le dise de manière plutôt droite même si on n’obéissait pas toujours ! (Rires.) Dans un film de cape et d’épée, on a forcément envie de se lâcher. Mais le cap de Martin, c’est avant tout la modernité. Il envisage ces deux films comme des westerns modernes dont l’ambition est symbolisée par ce parti pris de tourner dans des décors réels, une aide inestimabl­e dans le jeu.

Étiez-vous une grande lectrice de Dumas avant de vous plonger dans cette aventure ?

Oui, mais surtout du Comte de MonteCrist­o. Je l’ai découvert à 11 ans et c’est le roman qui m’a le plus fait vibrer dans mon enfance. Je dois confesser ne pas avoir lu Les Trois Mousquetai­res jusqu’à ce qu’on me propose ce projet. J’avais évidemment été marquée par Lana Turner, la Milady de George Sidney… Mais j’ai vraiment découvert le roman pour ce rôle. Habituelle­ment, je n’aime pas lire les livres dont sont adaptés les films que je vais jouer. Mais là, j’avais la certitude que cela allait m’aider à rentrer dans l’époque, à mieux en comprendre le climat.

Vous êtes amatrice de films d’aventures ?

Oui, mais je décroche quand il y a trop d’action gratuite. C’est le romanesque qui me plaît, pas la multiplica­tion des combats. Y compris dans les films que j’ai pu tourner. Voilà pourquoi j’ai préféré la version longue de Kingdom of Heaven, car elle permet de

rééquilibr­er le film, de s’attacher aux personnage­s en passant du temps avec eux. Pour moi, un des sommets du genre reste Gladiator. J’aurais rêvé tenir le rôle de Russell Crowe. Cette puissance à mille lieues des rôles de jeune femme fragile. Milady possède ce côté-là. En fait, je suis peut-être en train de faire mon Gladiator ! (Rires.)

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