Un festival trop gros ?
Avec deux nouvelles sélections dont la pertinence n’a pas fait l’unanimité (Cannes Première et Cinéma pour le climat), en plus des existantes déjà bien nourries (Compétition officielle, Hors Compétition, Un certain regard, Cinéfondation, Séances spéciales, Séances de minuit), l’édition 2021 avait fait grimper le compteur à 78 premières mondiales. De quoi satisfaire sans doute l’appétit du festival… mais à quel prix ?
« Cannes, ça devient un peu rafle-tout… Frémaux amasse tout ce qu’il peut et les autres se démerdent avec les miettes », s’agace le critique Gérard Lefort, auteur du livre de souvenirs cannois La Foire aux vanités (éd. Hors collection, 2019). « Mais le problème, c’est qu’il y a un écrasement des auteurs au profit de cet étalage. » Car si les films se multiplient, ce n’est que pour se partager un gâteau d’une même taille. L’embouteillage sur le tapis rouge ne se traduit ni en visibilité médiatique (les pages culture ne sont pas extensibles), ni en prix (les nouvelles sections ne sont pas compétitives), ni en entrées salles à l’arrivée. Le festival court donc le risque d’amoindrir son attractivité en offrant aux cinéastes des voies parallèles – et certains sélectionnés à Cannes Première 2021 ont laissé entendre en coulisse qu’on ne les y reprendrait pas à deux fois.
Globalisation
Le pari est osé : l’aura cannoise serait plus forte que tout, capable d’écraser la concurrence même à travers ses nouvelles sélections parallèles. De fait, une sélection à Cannes reste déterminante pour décrocher des ventes internationales. Au fond, il se dessine peut-être pour le festival un avenir à la Toronto : devenir un gros hub globalisé, carrefour de tous les moyens et rendez-vous des gros poissons du cinéma d’auteur franco-européen ; trop garni pour conserver intact son pouvoir de prescription, mais malgré tout incontournable.