LE BAVA LE + SATIRIQUE |
L’Île de l’épouvante (1970)
Les exégètes adorent cette rareté pop, notamment parce qu’elle annonce La Baie sanglante, sommet slasher réalisé l’année suivante. Les amateurs peuvent aussi y trouver leur compte : ce film-là est tout sauf un brouillon. Le titre, très nanar, est une escroquerie. Le titre français d’origine, Cinq filles dans une nuit chaude d’été – sublime – l’est tout autant. S’il y a bien un peu d’érotisme mimi et quelques visions estivales, il y est surtout question d’un whodunit insulaire façon Ils étaient dix (le best-seller d’Agatha Christie). Le film fonctionne comme un piège, non seulement pour ses protagonistes (qui vont tous y passer) mais aussi pour le spectateur, stupéfait de constater que ce pur exercice de style lounge et pastel va dériver tranquillement vers une satire tordante du consumérisme seventies et de la bourgeoisie, assez typique du cinéma italien (Ferreri a d’ailleurs probablement dû voir ça avant d’attaquer sa Grande Bouffe).
On a souvent accusé Bava d’être misanthrope : ce n’est pas vraiment ce film, où les cadavres des héros s’entassent dans une chambre froide, coincés entre un jarret de boeuf, deux jambonneaux et un panier de fruits exotiques, qui viendra prouver le contraire. Pourtant, derrière le jeu de massacre et les twists rigolos, c’est l’un des films où le cinéaste, qui a repris le projet au tout dernier moment, se livrera le plus ouvertement, non seulement sur ses inclinations politiques, mais aussi sur ce goût pour l’humour tordu et macabre qui semblait, par instants, le libérer de ses démons nihilistes et de ses humeurs assassines.
De Mario Bava • Avec William Berger, Ira von Fürstenberg… • Éditeur Sidonis • En DVD/ Blu-ray