Première

LE PAPE FRANÇOIS – UN HOMME DE PAROLE

Wim Wenders passe le pape François à confesse dans un documentai­re qui (se) pose de bonnes questions mais n’évite pas toujours les ornières de l’hagiograph­ie.

- GG

Ses fictions actuelles sont d’une terrible médiocrité, mais Wim Wenders continue de multiplier les gestes documentai­res stimulants. Avec Un homme de parole, le cinéaste a voulu témoigner de son admiration pour le pape François. Film de commande initié par le Vatican, l’exercice aurait pu être une catastroph­e, une enluminure sans distance ou une hagiograph­ie indigeste. Il y a de cela par moments, notamment dans tous les passages où l’on voit le pontife face aux pauvres, en tournée africaine ou en Argentine, étaler son dévouement christique dans des séquences qui finissent par ressembler à de la com interne. Mais une question vertigineu­se agite ce documentai­re. Comment filmer le représenta­nt de la religion du Livre ? Comment redonner de la valeur à la « parole humiliée » dans le monde du bavardage et du soupçon généralisé ? Et comment, en tant que cinéaste croyant, faire triompher le verbe sur l’image falsifiabl­e et proliféran­te ? Wenders a choisi de cadrer le pape frontaleme­nt, seul, en gros plan, emprisonna­nt le spectateur dans son regard fascinant (ironique, désarmant, en colère ou bienveilla­nt) et diffusant sa parole de manière hypnotique. Pas de contradict­ions, pas de questions, juste ses phrases, ses mots, son visage et son sourire. On frôle le prêche, mais l’exercice impression­ne par la puissance du dispositif qui prétend réconcilie­r la force d’un credo (inattaquab­le) à la réalité d’une vie et d’une pratique (qui se voudrait) en rupture avec des siècles d’incurie ecclésiale.

LA FORCE DU DISCOURS. S’il y a bien quelques images folles (tel que ce plan furtif sur les cardinaux, ennemis de François, qui montre leurs mines déconfites quand le pape évoque la pauvreté essentiell­e de l’Église ou bien son adresse au Congrès américain), quand Wenders abandonne ce dispositif, il est souvent à côté de la plaque. Comme dans ces pastilles muettes retraçant la vie de saint François d’Assise, où l’on découvre un acteur priant sur les chemins et regardant le ciel comme un illuminé ! Lorsqu’il dépasse la brochure de sortie de messe, le film frappe par la force du discours (malheureus­ement jamais interrogé) et les questions de cinéma posées par Wenders.

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