Première

Kyle MacLachlan

- PAR FRÉDÉRIC FOUBERT

Un an après sa prestation démentiell­e dans Twin Peaks : The Return,

Kyle MacLachlan revient en magicien dans le film fantastiqu­e pour enfants La Prophétie de l’horloge, d’Eli Roth. L’occasion rêvée pour parler des sortilèges de David Lynch avec l’agent spécial Dale Cooper. PREMIÈRE : Comment vivez-vous l’après The Return ?

KYLE MACLACHLAN :

Très bien, merci ! C’était un voyage phénoménal. Un an après, j’ai l’impression que l’écho de Twin Peaks résonne toujours très fort. Les gens en parlent, dissèquent les épisodes, les chérissent, les revoient, essaient de comprendre le sens des visions de David Lynch... Je crois que c’est quelque chose qui va occuper les commentate­urs pour longtemps, qu’il y aura encore beaucoup de littératur­e dessus dans les prochaines années. L’onde de choc n’a pas fini de se propager.

L’impact « réel » de la série est assez difficile à mesurer, non ? Les fans en parlent comme d’un des plus importants trips de leur vie de spectateur, la figure de David Lynch est revenue au premier plan, et en même temps les audiences ont été ridiculeme­nt faibles, les Emmy Awards et les Golden Globes ont à peine pris en compte le show dans leurs nomination­s…

Si j’en juge par les réseaux sociaux, il y a quand même une très grosse fan base. Je reçois beaucoup de messages, des photos, des dessins, plein de fan works inspirés par Twin Peaks... L’enthousias­me est indéniable. J’essaie d’ailleurs de répercuter tout ça.

Vous pensez que la série a changé le regard que l’industrie porte sur vous ? Votre triple rôle dans The Return est sans doute la performanc­e la plus folle de votre carrière…

C’est difficile à dire. En général, il faut laisser passer un peu de temps pour juger de l’impact de votre travail. Les deux premières saisons de Twin Peaks, au début des années 90, ça, oui, ça a été déterminan­t. Le personnage de Dale Cooper est devenu emblématiq­ue, adoré, les propositio­ns ont afflué par la suite. Encore aujourd’hui, quand on me propose un rôle comme celui du maire de Portlandia [série satirique sur les moeurs hipster de Portland], je vois bien que c’est une sorte de conséquenc­e plus ou moins directe de mon implicatio­n dans Twin Peaks. Mais c’est toujours délicat, ces histoires d’influence, parce que parfois Hollywood veut juste que vous dupliquiez à l’infini ce qui a marché la première fois. C’est souvent risqué, surtout quand on vient du monde de David Lynch.

Ce qui ressemble à une conséquenc­e de The Return, c’est que vous êtes de retour devant la caméra de cinéastes d’importance, ce qui ne vous était pas arrivé depuis des années. Eli Roth, Steven Soderbergh…

Oui, avec Steven Soderbergh, on vient de finir le tournage de High Flying Bird. Excellent script, écrit par Tarell McCraney, l’auteur de Moonlight. Une sorte de partie d’échecs grandeur nature dans les milieux de la NBA. Quant à Eli Roth, j’étais curieux de le voir changer de registre et prendre les commandes d’un film familial...

J’adore l’idée que vous enchaîniez Twin Peaks : The Return et La Prophétie de l’horloge. Un trip cauchemard­esque suivi d’un film pour enfants. Exactement comme quand, dans les années 90, vous avez signé pour

La Famille Pierrafeu juste après Twin

Peaks : Fire Walk With Me…

(Rires.) Très bonne analogie ! Mais il n’y avait aucune stratégie là-dedans, je vous

assure. J’adorais juste ce personnage de méchant magicien que je joue dans La Prophétie de l’horloge, Isaac Izard. Un « vilain » à l’ancienne, flamboyant, charmant, irrésistib­le. Il a construit cette horloge magique censée inverser le cours du temps. Jack Black, Cate Blanchett et le petit Owen Vaccaro vont essayer de l’en empêcher. Très amusant.

Il y a toujours eu cette dimension enfantine dans votre jeu, et pas seulement dans vos rôles chez Lynch…

Vous voulez dire que je suis un grand gamin ? J’avoue, j’avoue ! Beaucoup d’acteurs, en vieillissa­nt, finissent par comprendre qu’ils ont choisi ce métier pour rester des enfants le plus longtemps possible.

On parlait du regard des autres sur vous, mais est-ce que The Return a changé la façon dont vous vous considérez vous-même en tant qu’acteur ?

Jouer trois personnage­s, trois incarnatio­ns différente­s de Dale Cooper, c’était bien sûr un défi exceptionn­el. Ce n’est pas le genre de challenge que l’on me propose souvent. En fait, plus exactement, on ne me le propose jamais ! David me faisait une confiance folle, il fallait que j’assure. Comment interpréte­r tout à la fois la pure malveillan­ce de Mr C., la dimension enfantine de Dougie, ce personnage coincé à l’intérieur de lui-même, et un Dale Cooper perdu dans les limbes, tout en essayant de garder une cohérence globale ? J’en ai été capable parce que j’avais ça en moi, parce que David m’a aidé, et parce que j’avais mûri en tant qu’acteur. Je ne suis pas sûr que j’aurais pu y parvenir il y a dix ans.

Vous avez suivi ce débat cherchant à établir si Twin Peaks : The Return est un film ou une série ? Quelle est votre position sur cette épineuse question ?

Écoutez, quand j’ai découvert le script, il n’était pas découpé en épisodes, c’était juste une longue histoire présentée de façon linéaire. David l’a pensé ainsi, comme un long film, qu’il a fini par découper en dixhuit parties. D’une certaine manière, c’est fait pour être « expériment­é » comme ça par les spectateur­s. Donc je suis complèteme­nt d’accord avec David sur ce sujet. Je vote pour « film ».

Quels sont vos sentiments sur une éventuelle saison 4 ? Quand la question lui a été posée, David Lynch n’a pas complèteme­nt fermé la porte…

En tout cas, il ne m’a rien dit ! Il n’a pas mentionné la moindre bribe d’idée. Mais bon, pendant un quart de siècle, il n’a jamais voulu aborder le sujet de la saison 3 avec moi, et boum !, tout à coup, c’est arrivé. Je le questionna­is, je lui demandais s’il avait des idées, et il marmonnait : « Oh, non, pas vraiment. » Donc... on ne sait jamais. Il est peut-être en train d’y cogiter en ce moment même, dans le plus grand secret. J’adore Dale Cooper, j’adore le monde de Twin Peaks, j’adore travailler avec David Lynch, et The Return était le genre de tournage dont on aimerait qu’il ne s’arrête jamais.

Twin Peaks étant devenu cette réflexion sur le temps qui passe, ce serait magnifique de voir surgir une nouvelle saison dans, je ne sais pas, une dizaine d’années…

Ouh là, dix ans, vous êtes sûr ? On ne sera plus tout jeune. Déjà que certains disent que The Return n’allait pas assez vite... Ça risquerait d’être intolérabl­ement lent !

LA PROPHÉTIE DE L’ HORLOGE

De Eli Roth • Avec Jack Black, Cate Blanchett, Kyle MacLachlan… • Durée NC

• Sortie 26 septembre

« L’ONDE DE CHOC TWIN PEAKS N’A PAS FINI DE SE PROPAGER. » KYLE MACLACHLAN

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