« LA RÉSILIENCE PEUT RÉVOLUTIONNER NOS PRATIQUES ÉDUCATIVES »
Certes, ce n’est pas « son » concept. Boris Cyrulnik a toujours pris soin d’en rendre la paternité à Albert J. Solnit, Emmy Werner, Michael Rutter ou encore à son « maître », le psychiatre et psychanalyste anglais John Bowlby1. Il n’empêche : c’est lui qui a fait découvrir la résilience au grand public. Non sans attiser une certaine agressivité parmi des psychanalystes : « Ils réagissaient viscéralement, avec la peur, sans doute, que ce concept puisse remettre en question leurs approches. À l’exception d’Alice Miller, nous ne les avons jamais vus à nos réunions sur le sujet et, lorsque je discutais avec eux, je voyais bien qu’ils n’avaient lu aucun article. » Pourtant, comme il le rappelle, l’impact des carences affectives chez les enfants avait déjà été « senti » et constaté cliniquement par de grands noms tels que René Spitz, Anna Freud, Jenny Aubry, Françoise Dolto… Sinon qu’ils n’avaient pas, à l’époque, les moyens d’en fournir des preuves. « Désormais, grâce à des études de terrain, aux méthodes éthologiques et à la neuro-imagerie, nous pouvons les apporter. » Conséquence ? Après avoir été injustement critiquée par les uns et abusivement employée par les autres, aujourd’hui, la résilience est enseignée dans de nombreuses universités à travers le monde. L’Argentine en étudie les effets immunologiques, le Brésil s’apprête à légiférer pour développer les réseaux de périnatalité. En effet, des études réalisées dans le cadre des théories de l’attachement ont démontré que l’isolement des femmes enceintes et des nouveau-nés faisait croître le nombre d’illettrés, de délinquants et de psychopathes. Selon le psychiatre, allonger la durée des congés parentaux et développer la formation des professionnels de la petite enfance sont d’autres mesures qui permettraient de soutenir la capacité de résilience des individus fragiles. Il espère les voir mises en place un jour en France : « La résilience nous invite à réviser nos pratiques sociales et éducatives, mais aussi nos préjugés, du type “qui a été maltraité maltraitera”. » 1. Auteur d’Attachement et Perte (trois volumes, PUF, 2002 et 2007).