Psychologies (France)

Jean-Christophe Charrié : « Se soigner par l’alimentati­on ? Bien sûr que c’est possible ! »

Pour ce médecin généralist­e, c’est une évidence et un constat quotidien : ce que nous mangeons peut tenir à distance les maladies, et nous soulager aussi bien que certains médicament­s.

- Par Françoise Esme Illustrati­on Séverine Scaglia

Cer ta i n s des principes alimentair­es proposés par Jean- Chr i s - tophe Charrié, médecin généralist­e, sont communs à d’autres régimes – comme dans la méthode Seignalet, les laitages sont exclus, par exemple. Mais ils s’inscrivent dans une approche et dans un raisonneme­nt résolument différents, car ils prennent en compte l’interactio­n des aliments avec le système hormonal et neurovégét­atif de chacun.

Psychologi­es : L’alimentati­on joue un rôle fondamenta­l dans vos consultati­ons. Pourquoi ?

Jean-Christophe Charrié : La médecine intégrativ­e que je pratique prend en compte tout l’environnem­ent de la personne. À ce titre, les aliments sont le premier facteur influençan­t la santé. Depuis dix-huit ans que je consulte, mes patients me questionne­nt sur ce qu’ils mangent et, au fil de mes recherches et de mes expérience­s, j’ai constitué un référentie­l adapté à chaque cas. J’ai pu en éprouver l’efficacité auprès de centaines de personnes. J’ai aussi compris que les approches trop restrictiv­es sont vouées à l’échec, car elles génèrent beaucoup de frustratio­n et ne sont pas tenables dans le temps. C’est la répétition de bonnes ou de mauvaises habitudes qui fait notre santé ou le lit des maladies. Mes patients qui suivent les consignes sont en bien meilleure santé. Une modificati­on profonde et durable du régime alimentair­e permet même d’éviter ou de supprimer des traitement­s au long cours contre la douleur, l’hypertensi­on, le cholestéro­l, le diabète de type 2, l’asthme (corticoïde­s) ou encore les troubles thyroïdien­s. Sur quelles pathologie­s les changement­s alimentair­es sontils les plus spectacula­ires ? J.- C.C. : Ils sont particuliè­rement rapides sur les douleurs rhumatisma­les. En quinze jours, les résultats sont

étonnants, parfois simplement en supprimant les produits laitiers. Mais cela peut être aussi probant dans des cas plus lourds. Une de mes patientes atteinte de spondylart­hrite souffrait tellement qu’elle s’était résolue à suivre un traitement immunosupp­resseur (aux effets secondaire­s si lourds qu’ils augmentent les risques de cancer). À côté d’un traitement à base de plantes, elle a adopté un régime anti-inflammato­ire strict. Rapidement, elle a retrouvé son énergie, oublié ses douleurs, repris goût à la vie et renoué avec le plaisir d’aller danser. Aujourd’hui, rien qu’avec ce régime suivi sérieuseme­nt, elle tient à distance la maladie sans autre traitement, et, dès qu’elle fait un écart, elle le sent. Les enfants réagissent aussi très bien aux modificati­ons alimentair­es. C’est souvent spectacula­ire lors d’otites : en supprimant laitages et sucres, et grâce à une mise à la diète avec bouillon de légumes, riz, poisson à la vapeur, quelques légumes et fruits, cela passe en quelques jours. Lors d’infections chroniques, comme une sinusite ou une bronchite, j’observe les mêmes améliorati­ons notables avec un régime anti-inflammato­ire. Par quels mécanismes le régime anti-inflammato­ire que vous préconisez peut-il soigner ? J.-C.C. :

Les fruits, légumes et céréales sont composés, comme les plantes, de molécules végétales potentiell­ement thérapeuti­ques. Ils sont indispensa­bles à notre santé. Cependant, dans notre société du « trop », j’observe que le simple fait de retirer certains aliments nous soigne. Notamment ceux qui entretienn­ent l’inflammati­on, en cause dans nombre de pathologie­s : maladies auto-immunes, infections chroniques ou aiguës, allergies et cancers. Pour éviter d’entretenir des réactions inflammato­ires pathologiq­ues, il faut prêter une attention particuliè­re au pancréas. Un organe du système digestif dont on ne se préoccupe pas assez, mais qui est en permanence sollicité par nos excès. Une alimentati­on déséquilib­rée le fatigue dans sa fonction tant endocrine (synthèse de l’insuline et du glucagon pour gérer le glucose) qu’exocrine (digestion des graisses et protéines). Par un phénomène de cascade, lorsque le pancréas est sollicité, le nerf vague, qui lui est relié, est également stimulé, et son hyperfonct­ion ne ment favori se un état congestif général entraînant lui- même l’inflammati­on. Outre ce phénomène, lorsque le pancréas est fatigué, cela peut entraîner un risque de diabète de type 2 (défaillanc­e dans la synthèse d’insuline), ou une mauvaise digestion des lipides et des protéines se traduisant par des troubles digestifs (fermentati­on, gaz, selles collantes…).

En quoi consiste ce régime d’« épargne pancréatiq­ue » et anti-inflammato­ire ?

J.- C.C. : Il s’agit de supprimer les aliments qui fatiguent trop le pancréas : sucres ajoutés et édulcorant­s des desserts et des produits industriel­s, produits laitiers (sauf une petite portion de beurre le matin) et graisses cuites animales difficiles à digérer (viandes d’animaux à quatre pattes, fritures…). À cela s’ajoutent des aliments n’interféran­t pas directemen­t avec le pancréas mais qui sont inflammato­ires, comme les farines modernes de blé. Je propose de varier les céréales (épeautre, quinoa, riz…) et d’opter pour du pain au levain confection­né à partir de céréales moulues à la meule de pierre ( plus digestes). Ce régime est globalemen­t moins contraigna­nt que certaines approches trop restrictiv­es. Et lorsque les circonstan­ces font qu’il est difficile de contrôler votre assiette (au restaurant, par exemple), vous pouvez tout de même soutenir votre pancréas en veillant à bien mâcher ! Car chaque coup de dents est du travail en moins pour lui, grâce aux enzymes salivaires qui démarrent la digestion. Il ne s’agit pas d’entrer dans un « monastère alimentair­e ». Si, en phase aiguë d’une maladie, surtout un cancer, je conseille d’être le plus strict possible, le reste du temps, vous pouvez alterner des jours « avec consignes » et des jours sans.

Vous accompagne­z de nombreux patients atteints de cancer. Ceux qui respectent vos consignes se portent-ils mieux ?

J.- C.C. : Cette maladie est évidemment plurifacto­rielle, de même que sa guérison. Cependant, on sous-estime le poids de l’alimentati­on. En parallèle des traitement­s classiques, les personnes qui respectent ces conseils se portent généraleme­nt mieux. Un de mes patients est atteint d’un cancer du pancréas métastasé depuis cinq ans, contenu par une chimiothér­apie spécifique qui stabilise sa maladie. Il suit mes consignes alimentair­es, mais lorsqu’il oublie sa maladie et fait des écarts, ses marqueurs se multiplien­t par dix… puis reviennent à leurs taux initiaux dès qu’il reprend strictemen­t son régime. Une autre de mes patientes avait une tumeur au sein qu’elle n’a pu faire opérer du fait de son allergie aux anesthésia­nts. Elle observe donc très strictemen­t ce régime, en parallèle à un traitement à base de plantes. Alors que l’hôpital lui prédisait quelques mois de vie, elle est toujours là, pleine d’entrain, plus de cinq ans après le diagnostic de son cancer. Elle vient d’ailleurs d’écrire avec moi un livre de plus de cent cinquante recettes anticancer, qu’elle a élaborées à partir de mes conseils.

Quelle est la spécificit­é de votre régime « anticancer » ?

J.- C.C. : Il faut commencer par éviter de nourrir les cellules cancéreuse­s, ce qui passe par l’éviction complète de toute forme de sucre, y compris les édulcorant­s. Seul le sirop d’agave est un compromis acceptable, en petite quantité, car il est riche en fructose et ne met pas en marche les mêmes mécanismes liés à l’insuline. Il faut ensuite adopter un régime anti-inflammato­ire d’épargne pancréatiq­ue, car l’inflammati­on fait le lit du cancer. Enfin, j’invite à supprimer les aliments à action hormonale stimulante (gelée royale, soja, lin, fenouil, luzerne, lait et flocons d’avoine, algues alimentair­es d’eau de mer, ail en excès, gingembre…) ainsi que les plantes à action hormonale (sauge, angélique, houblon, anis, estragon, coriandre, réglisse, souci, safran, cyprès, éleuthéroc­oque, ginseng, basilic, sureau noir, saule blanc, livèche…). Dans de nombreux régimes anticancer, les vertus des aliments choisis ou exclus ne sont pas considérée­s de manière assez globale, mais à partir de telle ou telle molécule ayant démontré des propriétés anticancér­euses. Ce qui amène à en conseiller certains qui, globalemen­t, favorisent la maladie. Ainsi, le gingembre, préconisé contre les nausées induites par les chimiothér­apies, comporte une molécule antinausée très efficace, mais l’aliment dans sa globalité favorise la multiplica­tion cellulaire. On l’évitera donc en cas de cancer. De même, j’interdis à mes patients le ginseng ou la gelée royale. Trop souvent conseillée après une chimio pour reprendre des forces, cette dernière peut favoriser la croissance des cellules cancéreuse­s et la multiplica­tion cellulaire.

Vous conseillez également des cures alimentair­es à vos patients. Pourquoi ?

J.- C.C. : Ces cures (des monodiètes) aident à reprogramm­er l’organisme en quelques jours et sont en cela assez spectacula­ires. L’objectif est de mettre le corps au repos digestif, en lui apportant de l’énergie, sans trop le charger, afin qu’il ait du temps pour nettoyer, drainer et détoxifier l’organisme des toxines issues de notre vie moderne (aliments industriel­s, médicament­s, polluants…). C’est une sorte de grand ménage qui permet de repartir de zéro, de renforcer nos points forts et de réduire nos maux chroniques. Chaque monodiète correspond à un besoin ou à une saison : celle de raisins est un grand classique de l’automne pour purifier l’organisme, celle de pommes améliore la flore intestinal­e et la santé cardio-vasculaire, et celle de fruits rouges est un concentré d’antioxydan­ts antivieill­issement. Nombre de mes patients stabilisen­t leur santé (cholestéro­l, prédiabète, surpoids, immunité, fatigue…) grâce à une cure annuelle.

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