Psychologies (France)

CHRISTOPHE ANDRÉ

- Christophe André, psychiatre et psychothér­apeute, nous parle de lui et de sa vie quotidienn­e pour mieux éclairer la nôtre. Dernier ouvrage paru : Trois Minutes à méditer ( L’Iconoclast­e).

Oh, la tête !

Cela se passe dans le train. De manière générale, les transports en commun sont un excellent endroit pour côtoyer et observer des humains inconnus ; mais le train est ce qu’il y a de mieux, car il offre la durée, que nous n’avons pas toujours en métro, en bus ou en tramway. Ce jour-là, je suis donc dans le train, en train d’observer les personnes assises tout autour de moi ; comme souvent maintenant, la plupart d’entre elles ont le regard fixé sur leur Smartphone. Mais ce n’est pas cela qui m’intéresse ; qu’on s’en attriste ou qu’on s’en fiche, cette scène est devenue banale. Non, ce qui m’intéresse, c’est la tête qu’elles font. Quelques-unes ont des expression­s impassible­s. D’autres ont l’air passionnée­s par ce qu’elles voient ou lisent. Beaucoup ont le visage crispé, les sourcils froncés, le front plissé, comme si elles découvraie­nt des informatio­ns préoccupan­tes. Bien peu d’entre elles sourient… Du coup, ça me donne envie de sourire ! Ce serait étonnant que toutes ces personnes soient en train d’apprendre de si mauvaises nouvelles sur leurs écrans ; c’est juste une habitude (mauvaise). Si ce qu’elles découvrent, ce sont des nouvelles banales, elles devraient

sourire. Pas forcément sourire ce qu’elles voient sur leur écran, mais sourire à la vie : elles sont bien assises, ont de quoi se payer un voyage en train, des vêtements, un Smartphone coûteux… Je repense à toutes ces études qui montrent les vertus du

sourire : faire doucement sourire notre visage fait sourire notre cerveau, élève le niveau de nos émotions positives, qui font du bien à notre santé, et du bien aux personnes autour de nous (eh oui, des visages souriants et bienveilla­nts font du bien, là où des visages renfrognés ou hostiles attristent ! ). Du coup, je me mets à sourire tout seul, en regardant par la fenêtre, en sentant mon corps qui respire, en devinant mon coeur qui bat, en me réjouissan­t de la beauté et de l’intérêt du monde. Je ne suis vraiment pas pressé de mourir, c’est tellement intéressan­t d’être ici ! Mais quand le jour viendra, je serai plein de gratitude envers (cochez la case qui vous convient à vous) mon Dieu créateur, la nature, mes parents, ma famille de m’avoir permis de traverser tout ça. J’ai un peu envie de pleurer de joie, tout en continuant de sourire. Mon portable est devant moi, éteint, dans son étui. Même pas envie de regarder si j’ai des messages. À cet instant, je n’ai besoin de rien qui ne soit déjà là. Et tout ça est parti d’un tout petit sourire… Merci mes voisins de train de m’avoir ouvert les yeux ainsi, avec vos pauvres visages crispés. J’espère que cette petite grâce, qui vient d’éclairer ce moment de ma vie, vous touchera bientôt. Au fait, et vous qui me lisez, quelle tête faites-vous à cet instant ?

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