Psychologies (France)

“Le sport, c’est une question de volonté !”

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Quand ils évoquent l’engouement moderne pour le sport, et plus particuliè­rement pour le running, médias et pubs parlent désormais d’un « raz de marée ».

Au point, précisent-ils, que cette dernière discipline s’affiche comme la troisième la plus pratiquée dans l’Hexagone1. En 2016, 25 % des Français âgés de plus 15 ans déclaraien­t ainsi pratiquer la course à pied, ne serait- ce qu’occasionne­llement. Leur profil : des individus pressés, stressés, et beaucoup de femmes soucieuses de soigner leur(s) forme(s)… Comme vous ou nous. Sauf qu’une question se pose : pourquoi sommes-nous donc encore si nombreux à les regarder faire, tout en nous reprochant notre propre passivité ? Soyons solidaires en l’avouant : bien sûr que, dès la rentrée, la question de notre inscriptio­n à une activité sportive va se reposer. Yoga, stretching, aïkido, aquabike… Forts de nos résolution­s estivales, nous tenterons même de nous convaincre : « Le sport, c’est une question de volonté ! Vive les cours d’essai ! » Certains iront jusqu’à acquérir une tenue neuve… qu’ils enfileront une ou deux fois. Puis le soufflé retombera.

Pourquoi devenons-nous si souvent velléitair­es dès octobre ?

En froid avec le sport, serions-nous ennemis du moindre effort ? « Ce rapport ambigu à l’activité physique témoigne avant tout d’un problème de motivation, répond la psychanaly­ste Caroline Carron. Et la motivation interroge la question du sens. “Il faut que je me donne du mal”, voilà ce que trop se disent, quand il s’agirait plutôt d’aller interroger son plaisir. Certes, faire du sport nécessite d’aller se confronter à soi. Mais aucun investisse­ment n’est possible si l’on ne sait pas ce que l’on va y gagner. » Un amaigrisse­ment ? Une image ? Une « bonne santé » ? Le hic, c’est que, dans notre psyché, la raison seule ne suffit pas. Courir ou nager en ne pensant qu’à perdre du poids ne permet pas de se mobiliser dans la durée.

« Pour qu’il y ait un véritable engagement, il faut, en plus, aller chercher ce qui nous plaît dans la logique interne de l’activité choisie,

reprend la spécialist­e. Car, comme le disait Freud, s’il n’y a pas de point de jonction entre la pulsion ( l’envie) et la significat­ion que l’on attribue à son activité, c’est déjà très mal parti… » D’où les retards aux cours de Power Plate, l’oubli du créneau d’aquabike… Et les autoreproc­hes qui s’ensuivent. « Difficile, en effet, de maintenir l’envie au- delà du court terme quand celle- ci s’appuie sur des modalités trop artificiel­les », précise l’analyste. Son conseil pour éviter ces pièges ? Se sonder. « Faire du sport, c’est d’abord élire un sport. Et l’élire, c’est chercher celui qui procurera une vraie satisfacti­on corporelle et psychique, c’est-à-dire une érotisatio­n du corps dans la pratique », prévient-elle. En résumé, ce que l’on doit viser n’est pas un « je dois me secouer », mais plutôt « j’aime aller danser, pédaler… ». Désir de retrouver du souffle, par exemple ? « Le cardiotrai­ning est fait pour cela. Mais si la nature même de cet exercice vous rebute, pourquoi vous forcer, donc vous mettre dans une situation d’échec forcément délétère pour votre propre estime ? » interroge la psychanaly­ste. Mieux respirer, c’est également ce que propose la randonnée, le Pilates, le qi gong, la plongée, la méditation…

1. Derrière la natation et le fitness, selon l’Observatoi­re internatio­nal de la consommati­on sportive de l’Essec.

Caroline Carron est psychanaly­ste et coach d’athlètes olympiques. Elle est aussi l’auteure d’une thèse : « Psychanaly­se et sport de haut niveau » (2017).

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