À quand un vaccin contre l’hystérie ?
LA VARIOLE – RESPONSABLE DE MILLIONS DE MORTS PAR AN JUSQU’AU SIÈCLE DERNIER – EST
QUASI ÉRADIQUÉE. Idem, en France en tout cas, pour des fléaux comme la polio, la rougeole, le tétanos… Les vaccins sauvent, selon l’OMS, deux à trois millions de vies chaque année. Et pourtant, la couverture vaccinale française est l’une des plus faibles d’Europe, et la méfiance à l’encontre des vaccins bat des records, avec 41 % des Français les jugeant « pas sûrs1 ». En réponse à cette inquiétude, le gouvernement annonce qu’il rendra obligatoires pour une durée limitée onze vaccins pour enfants (contre trois aujourd’hui), soutenu par un appel de deux cents grands médecins2. La Toile s’enflamme et dénonce les mensonges, le complot ou un « hold-up sur notre liberté individuelle et notre santé3 ».
Comment en est-on arrivés là ? Je ne vais pas vous proposer sur une page l’enquête définitive « pour ou contre les vaccins », ni vous recommander « le » bon article qui fait le tour de la question sur Internet ( bon courage !). En revanche, cette polémique révèle des choses intéressantes, et parfois exaspérantes. Il est difficile aujourd’hui de mobiliser sur des maladies qu’on ne connaît plus, et de suggérer d’inoculer (en piqûre !) un virus qui a disparu… Poussée plus loin, cette posture pourrait conduire à préférer une infection virale « naturelle », qui ne peut pas être si mauvaise que ça, à un vaccin artificiel… Il est également difficile de convaincre une société qui tend vers l’individualisme sur un problème collectif ( pourtant, on se vaccine pour soi… mais aussi pour protéger les autres !), une société de l’empowerment, où chacun veut prendre en charge sa santé, et surtout sa prévention. Difficile, aussi, de se repérer à l’ère des réseaux sociaux et de la viralité ( l’appel du Pr Henri Joyeux sur les dangers de certaines vaccinations, en 2015, avait récolté des centaines de milliers de signatures en quelques semaines). Internet est le lieu d’allégations irresponsables ( les vaccins seraient plus dangereux que les épidémies qu’ils soignent…) et de théories du complot, certes. Mais c’est aussi un contrepouvoir à la puissance des labos ( le marché des vaccins est estimé à quarante milliards d’euros) et un nécessaire lanceur d’alerte sur les grands sujets de la santé et de l’environnement.
Face à cela, on attendrait de la pédagogie de la part du gouvernement, et plus généralement des experts scientifiques. Elle fait défaut. Flou sur les recommandations (comment comprendre que les vaccins « recommandés » sont aussi importants que ceux « obligatoires »), manque de transparence sur les grands débats (comme celui sur les adjuvants4), arrogance sur la forme (« La vaccination, ça ne se discute pas », avait ainsi déclaré Marisol Touraine, en 2015), ou encore excès de prudence des pouvoirs publics, qui vont parfois trop loin dans le principe de précaution (on pense à la grande alerte « pour rien » sur le virus H1N1, en 2009). Cette surenchère de la peur (côté autorités politiques
et de santé) et de la parano (côté « anti »), je l’ai sentie autour de moi en évoquant le sujet, ici et là. Car c’est bien nous, Français – et surtout parents –, qui faisons les frais de cet impossible débat : comment savoir, concrètement et sereinement, quels vaccins administrer à nos enfants à la rentrée ? Je retrouve là, sous une forme hystérisée et caricaturale, bien des ingrédients de l’éternel clivage entre médecine traditionnelle et médecines « complémentaires ». Encore un thème sur lequel il est urgent d’abandonner l’idéologie au profit du pragmatisme et de l’ouverture d’esprit ! Et vous, qu’en pensez-vous ? Répondez-moi sur arnaudss@psychologies.com. 1. « Quatre Français sur dix estiment que les vaccins ne sont pas sûrs », Le Monde, 9 septembre 2016 ( lemonde.fr). 2. « Pourquoi ces deux cents médecins disent oui aux vaccins obligatoires », Le Parisien, 29 juin 2017 ( leparisien.fr). 3. Pétition « Non à une campagne de vaccination forcée », 23 juin 2017, Alternative santé( alternative santé. fr ). 4. Substances visant améliorer l’efficacité de certains vaccins.