Psychologies (France)

CÉCILE DE FRANCE

“Comment j’ai apprivoisé mes doutes”

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Qui mieux que la joyeuse et énergique Cécile de France pour incarner notre dossier du mois, “Croire en soi” ? À l’occasion de la sortie d’“Ôtez-moi d’un doute” de Carine Tardieu, où elle incarne une femme aussi déterminée que sensible, la quadragéna­ire joue le jeu de notre questionna­ire en toute sincérité et avec sa gaieté inaltérabl­e. Propos recueillis par Anne Laure Gannac

C “roire en soi » signifie, pour moi…

… savoir écouter son coeur et son instinct afin de sentir les ailes qu’on a tous dans le dos.

Enfant, je croyais surtout en…

… la force d’évasion et les superpouvo­irs de mes rêves et de mon imaginaire. Je passais beaucoup de temps à m’évader dans des histoires que j’inventais. Ma chance a été de pouvoir continuer en faisant ce métier, même si je regrette parfois de ne plus avoir autant de superpouvo­irs que petite fille…

Enfant, je me sentais dans un état de tranquilli­té grâce à…

… l’amour de ma famille, de mes copains et l’odeur du Skaï de la Coccinelle de ma grand-mère !

L’adolescenc­e a été pour moi une période de…

… renforceme­nt, d’affirmatio­n de mes goûts et de mon point de vue sur le monde. J’ai vraiment vécu cette phase comme une libération de la future adulte que j’allais devenir, une occasion de mettre en avant ce que je voulais, ce que je pensais. Je ne doutais pas tellement. C’est la grande force de l’adolescenc­e : avoir peu conscience des dangers et des barrières qui se dressent devant soi. Cela permet de donner forme à ses rêves.

Je faisais l’expérience de ma force quand…

… je relevais les défis que je me lançais, comme dépasser ma peur en sautant des rochers dans la rivière. Ou comme partir à Paris, à 20 ans, avec cette espèce de moteur dans le ventre, ce félin intérieur qui pousse à aller de l’avant. Cette période de ma vie a été terribleme­nt dynamique. Même si mon environnem­ent familial s’efforçait de me protéger en me mettant en garde contre la précarité du métier que je choisissai­s de faire, on ne me freinait pas : mes proches me voyaient habitée d’un tel enthousias­me qu’ils comprenaie­nt que cela ne servait à rien de m’en empêcher. J’avais 6 ans quand j’ai découvert ma passion pour le jeu, en récitant une poésie devant toute la classe. Ce jour-là, j’ai ressenti une joie si forte que je n’ai plus voulu faire autre chose. Je crois que, quand on a un enfant qui a une passion, il n’y a rien de mieux à faire que de l’encourager dans cette voie, ou du moins ne pas le freiner. C’est ce que l’on a fait avec moi.

Les rencontres amoureuses, une étape qui m’a…

… indéniable­ment aidée à me sentir plus forte et confiante. Se voir aimée et valorisée dans les yeux d’un être que vous chérissez renforce inéluctabl­ement votre amour-propre et vous renvoie une belle image de vous-même. À condition que cela vienne d’une personne qui ne vous veut que du bien et qui vous porte vers le haut. C’est là que l’instinct est essentiel : il permet de refuser tout lien avec des

personnes toxiques. J’ai un instinct très fort qui m’a toujours permis d’aller vers des gens pouvant me rendre heureuse.

Mes doutes portent surtout sur…

… ma capacité à converser brillammen­t. Comme beaucoup de Belges, j’ai ce petit complexe d’infériorit­é relatif à mon manque de maîtrise de la conversati­on. Nous n’avons pas la culture de « tenir salon », comme en France, et surtout à Paris, où, dès qu’on est en groupe, ça parle politique, culture, société… J’ai l’impression que cela relève d’une fonction cérébrale spécifique et que mon cerveau n’en est pas doté ! Dans ces circonstan­ces, je peux facilement m’ennuyer ou déconner pour éviter le malaise. Mais surtout, j’écoute, pour en apprendre toujours plus sur cet art de bavarder intelligem­ment. Je m’efforce ensuite de faire pareil, par mimétisme. Mais ça ne marche pas à tous les coups. [Rires]

J’ai peu à peu apprivoisé mes doutes…

… en les accueillan­t, en les considéran­t comme un moteur et non pas comme des ennemis déstabilis­ants. Par exemple, c’est bien parce que j’ai conscience de mon manque de connaissan­ces que j’ai le goût de m’instruire toujours plus. Les doutes sont des opportunit­és puisqu’ils nous contraigne­nt à nous adapter, donc à apprendre.

En avançant dans la vie, j’ai commencé à surtout croire en…

… l’humilité que l’être humain se doit d’avoir face à la puissance des éléments naturels. Petits, on nous inculque que nous sommes supérieurs à tout dans le monde du vivant. Mais, en grandissan­t, j’ai vite constaté que l’homme n’est pas grand- chose face à la force de la nature. J’habite dans un village, en pleine campagne, parce que je ressens le besoin d’évoluer au rythme des saisons et des heures de la journée. Mais je trouve aussi que le fait de vivre à la campagne permet de rester conscient de sa petitesse dans cette immense chaîne du vivant. Et ce n’est pas écrasant, au contraire, c’est régénérant

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Couverture : Jean- François Robert/ Modds.

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