Psychologies (France)

Rencontre avec Joyce Carol Oates

Rencontrer l’auteure américaine, tandis que sort Paysage perdu, un épisode de ses Mémoires, c’est se trouver face à un monument. À 79 ans, la prolifique écrivaine s’étonne pourtant toujours de la curiosité qu’elle suscite.

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Silhouette gracile, cheveux vaporeux, grands yeux

étonnés : on dirait un moineau ou un petit hibou. Joyce Carol Oates (JCO), 79 ans depuis peu, est à Paris pour la promotion du récit de sa « jeunesse d’écrivain ». Éviter de prononcer le mot « prolifique » est une gageure face à cette boulimique d’écriture (« J’ai toujours plusieurs livres en chantier, je prends des notes tout le temps »). Elle avoue passer beaucoup de temps à se corriger (et écrit toujours à la main !). Son nouveau et bouleversa­nt livre autobiogra­phique, Paysage perdu, raconte une enfance heureuse bien que solitaire dans la ferme de Millesport, entourée de parents aimants. « Je me promenais seule des heures. Je n’aurais sans doute pas été le même écrivain si j’avais grandi en ville. » Mais tout n’est pas tranquille, loin de là, lire ses Mémoires, c’est feuilleter les thèmes qui obsèdent la romancière : des personnage­s qui n’ont d’autre choix que d’avancer, coincés par des secrets de famille, les violences faites aux femmes et les drames. Rien de surprenant lorsque l’on découvre ce qui s’est passé dans sa propre famille : « Mon arrière-grand-père paternel a essayé de tuer mon arrière-grand-mère, avant de se suicider, quasiment devant sa fille, Blanche. Quant à ma mère, elle a été donnée bébé à une belle-soeur qui n’avait pas d’enfant », écrit- elle dans le chapitre « Quand j’étais petite et que ma mère ne voulait pas de moi ». C’est seulement des années après la parution de son livre La

Fille du fossoyeur ( Philippe Rey) que Joyce a découvert cette tragédie. Prémonitoi­res, ses romans ? « Visionnair­es, plutôt », répond- elle. Voilà pourquoi elle n’aime rien tant que raconter les conflits intérieurs, pointer les tensions raciales et sociales, les mères en déséquilib­re. Et JCO n’a pas l’intention d’arrêter d’écrire : en 2018, quatre nouveaux livres paraîtront aux ÉtatsUnis. Être dans le mouvement, c’est vital pour elle. Elle a même adopté Twitter. « Il faut bien, pour lutter contre la politique de Trump, défendre le droit à l’avortement… » Quand elle n’est pas prof à mi-temps à l’université de New York ou en vacations à Berkeley (« l’enseigneme­nt a été ma thérapie après le décès de mon mari »), elle s’avoue « heureuse de descendre dans [son] jardin sauvageon l’après-midi, avec [son] chat… Un bonheur domestique ». Et d’attraper son Smartphone pour partager quelques photos de chats, d’elle et un cliché de sa grand-mère… Christine Sallès

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 ??  ?? Paysage perdu de Joyce Carol Oates, Philippe Rey, 400 p., 24 €, en librairies le 5 octobre.
Paysage perdu de Joyce Carol Oates, Philippe Rey, 400 p., 24 €, en librairies le 5 octobre.

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