Psychologies (France)

La tête dans les étoiles

-

IL A VU CE QUE BEAUCOUP D’ENTRE NOUS RÊVENT DE VOIR. Thomas Pesquet est devenu un héros national. L’astronaute a suscité admiration et affection. Un héros humble, pas un super-héros. Un héros ordinaire, sympa, avec son visage doux et ses yeux bleus. Comme si un frère, ou un ami, nous avait fait vivre par procuratio­n une extraordin­aire aventure. Comme quand Bowie chantait « We can be heroes, just for one day » . Son voyage spatial nous a projetés loin du quotidien. Il a duré six mois… Avec lui, notre regard s’est tourné vers la planète bleue, merveilleu­x zoom arrière sur la Terre vue du ciel, la tête dans les étoiles. À Psychologi­es, nous avions toutes et tous envie de rencontrer Thomas, mais son agenda et ses nouvelles missions ne l’ont pas permis. Nous voulions savoir exactement ce que cela fait « en vrai », ce que l’on ressent, avant, pendant et après une telle expérience. Nous voulions connaître ses sensations, ses peurs, ses joies, ses peines peut- être. Nous voulions l’approcher, presque le toucher, comme si son séjour cosmique l’avait enveloppé d’une aura nouvelle. Quelques mois après le retour sur Terre du jeune Français, l’Américain Elon Musk a sidéré le monde

entier en envoyant sur orbite un cabriolet Tesla avec, au volant, Starman, un mannequin en combinaiso­n spatiale. Sa direction : Mars. Le milliardai­re mégalomane nous promet que nous pourrons visiter la planète rouge en touristes dès 2024. Et nous y installer en 2031. La perspectiv­e de cette colonisati­on annoncée fait frémir, ou vibrer. Mais elle ne laisse personne indifféren­t ( lire notre enquête p. 58).

Pourquoi tant d’émotions ? Le 21 juillet 1969, les images du premier homme sur la Lune ont marqué toute une génération – et certains sceptiques n’y croient toujours pas. Depuis, la fascinatio­n pour l’espace a largement débordé le cercle des amateurs de Jules Verne, Ray Bradbury, de Star

Wars ou Gravity. Pour les uns, elle est sans doute le dernier avatar de l’esprit de conquête – notre planète est circonscri­te, il n’y a plus de territoire­s inconnus – ; pour les autres, elle est une échappée hors d’un réel devenu trop étroit, enfermant ou anxiogène.

Quels que soient nos désirs inconscien­ts, la projection imaginaire dans des contrées galactique­s fait

du bien : elle provoque une prise de recul salutaire, et la conscience de la vulnérabil­ité de la Terre ; elle nous réinscrit dans la temporalit­é, et dans la longue histoire de notre humanité. De la découverte des premières cavernes par les hommes préhistori­ques à notre époque chaotique, où tous les repères se brouillent, le besoin de se situer n’a jamais été aussi pressant. Alors que nos vies s’accélèrent et que les réseaux nous entraînent dans leurs flux infi nis, la lenteur des gestes à bord de la Station spatiale internatio­nale est une parfaite métaphore de nos aspiration­s : ralentir, voir les choses d’en haut, savourer la solitude, plonger dans l’inconnu, s’émerveille­r… Voici le beau programme de développem­ent personnel pour Terriens trop stressés que Thomas Pesquet, à son insu, nous a concocté !

À nous tous qui devons garder les deux pieds sur Terre, je souhaite de nous accorder, allongés dans l’herbe sous la Voie lactée, de belles rêveries étoilées.

 ??  ?? Laurence Folléa, directrice de la rédaction
Laurence Folléa, directrice de la rédaction

Newspapers in French

Newspapers from France