Psychologies (France)

Construire leur vie sociale

À partir du collège, les copains prennent une importance centrale. Mais la recherche de popularité, les réseaux sociaux et la peur d’être exclu exposent nos jeunes à certains écueils. Les explicatio­ns d’Emmanuelle Piquet, psychoprat­icienne.

- Par Christilla Pellé-Douël

Le temps des bandes

Dans le processus d’autonomisa­tion des ados, les pairs sont de véritables soutiens : ils vivent la même chose, traversent les mêmes angoisses, permettent d’échanger, de comparer. Et surtout d’expériment­er les relations sociales dans leur complexité, leur richesse et leur dureté. La bande aide à se sentir plus fort, soutenu, mais aussi « comme les autres », en partageant des codes fermés aux adultes. « Ils nous trouvent navrants, rien de plus banal », s’amuse la psychoprat­icienne Emmanuelle Piquet, qui remarque, par ailleurs, que la bande protège de la solitude. D’après son expérience, celle-ci « fait des ravages beaucoup plus importants qu’autrefois dans les jeunes génération­s ». La faute aux réseaux sociaux et à la fameuse quête de popularité, cette minicélébr­ité qui permet de briller au firmament du collège (au lycée, les relations changent et les adolescent­s fonctionne­nt sur un mode plus mature). L’appartenan­ce à la bande est donc un signe de bonne santé.

Les réseaux sociaux et le risque de l’exposition

Hyperconne­ctés, nos jeunes évoluent sur les réseaux sociaux comme des poissons dans l’eau. Ils manient Facebook – qu’ils jugent ringard car utilisé par les adultes –, Snapchat – qu’ils adorent car les images disparaiss­ent rapidement –, ou Instagram comme des pros. Les parents redoutent les mauvaises rencontres virtuelles, le dévoilemen­t de leurs ados ivres ou à moitié nus, le cyberharcè­lement. Emmanuelle Piquet tempère : « Ils sont nés avec les réseaux. Ils sont très au courant des risques et font attention à ce qu’ils postent. » En dix ans de pratique, elle affirme n’avoir presque pas reçu d’enfants pour uniquement du cyberharcè­lement : « Lorsqu’il y a harcèlemen­t sur les réseaux sociaux, c’est toujours le prolongeme­nt d’une situation réelle. » Cela ne rend pas la chose moins douloureus­e, mais permet aux parents d’être moins inquiets sur ce sujet précis. En revanche, prévient- elle, la mise en ligne de photos/vidéos volées ou de revenge porn (vidéos intimes publiées par l’ex-petit copain ou petite copine) augmente, et peut avoir des effets dramatique­s. Et de citer le cas d’une jeune fille, dont une photo prise à la plage, seins nus, a été postée par l’expetit copain, accompagné­e de son adresse et de son numéro de téléphone. « Cela a été terrible. Elle a reçu des milliers de messages, tous ignobles. Elle vivait dans la peur », commente Emmanuelle Piquet. Face à ces agressions, la psychoprat­icienne diplômée de l’École de Palo Alto, a développé une stratégie, qui consiste à se saisir du message de l’agresseur pour le retourner à son avantage : « Soutenue par ses parents, la jeune fille est allée chez un photograph­e profession­nel et a fait réaliser un beau portrait d’elle, qu’elle a publié avec le message suivant : “Merci de m’avoir donné l’idée !” Les commentair­es se sont calmés. » Restons vigilants, recommande la psychoprat­icienne, car « nos enfants savent brouiller les pistes, créer deux statuts Facebook, par exemple. Un poli et joli pour les adultes, et un autre pour les copains… »

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