Psychologies (France)

VARIATIONS AUTOUR DU CONFORT

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Fabrice Midal, philosophe, fondateur de l’École occidental­e de méditation et de l’enseigneme­nt Une journée pour apprendre à méditer, est l’auteur, aux éditions Flammarion, de Foutez- vous la paix ! et commencez à vivre et de Sauvez votre peau ! Devenez narcissiqu­e. Ses explicatio­ns.

Le bien- être est un piège « La philosophi­e est l’ennemie du confort. D’un certain confort en tout cas ; parce que, au sens premier, on associe toujours celui-ci à l’idée de bien-être, et que c’est un piège. Le confort endort la pensée, et nous fait préférer les idées reçues et les opinions convenues à la réflexion. Il nous préserve des émotions fortes, édulcore les choses de la vie, nous enfermant dans une sorte de bulle, tant au niveau social que psychologi­que ou politique. Alors que l’essence même de la philosophi­e, c’est justement de questionne­r les évidences !

La quête d’une sécurité intérieure À l’opposé de cette illusion du bonheur, existe une autre forme de confort, indispensa­ble celui-là, que je nommerai “primordial et authentiqu­e”. Dans cette optique bien différente, il s’agit d’aller chercher au fond de soi un ancrage, une sécurité, mais intérieure cellelà. C’est une ressource centrale qui nécessite, pour se trouver, d’apprendre en tout premier lieu à se “foutre la paix”. Je veux dire par là se libérer des injonction­s, de la volonté de “contrôle” ou de “gestion” de ses émotions. Et c’est là que se trouve le paradoxe du confort : pour trouver ce lieu de ressourcem­ent, et revenir à notre humanité profonde, au lieu de vouloir contrôler son inquiétude, il faut plutôt accepter de la mettre à nu, et risquer de se sentir ému, fragile, vulnérable face à ce quelque chose de plus grand que soi qui est enraciné en soi. C’est seulement à ce prix, une fois que l’on aura trouvé cette assise, cet abri intime, que l’on sera à même d’affronter le monde sans peur. De sortir du rêve d’un bien-être béat qui nous coupe de nous-mêmes, pour entrer dans la vérité de l’existence.

Du confort au réconfort J’ai vécu récemment une histoire personnell­e qui illustre bien cette idée : en visite chez mon filleul l’été dernier, je l’ai trouvé très angoissé, car il pensait qu’il y avait un fantôme dans son armoire. J’aurais pu lui dire simplement que sa crainte était injustifié­e et absurde, lui affirmer qu’il se faisait des idées. Au lieu de cela, je l’ai pris un soir par la main et nous sommes allés ensemble, avec une lampe de poche, inspecter la fameuse armoire. C’est en affrontant sa peur, en la traversant lui-même, qu’il a pu trouver un réconfort. Mais pour franchir les moments d’inconfort, il faut des fixations intérieure­s solides. C’est cette ressource, essentiell­e et insaisissa­ble, qui est aujourd’hui sacrifiée par notre société qui ne pense qu’à trouver des “solutions” aux aléas de la vie. C’est aussi cela que raconte le mythe de Narcisse, dont je propose une réhabilita­tion dans mon dernier livre Sauvez votre peau ! Devenez narcissiqu­e. Narcisse, en effet, n’est pas cet homme coupable de ne penser qu’à lui, mais un être qui apprend à se rencontrer, à se respecter, à se faire confiance. Il véhicule l’idée très positive d’un confort primordial et authentiqu­e, le seul qui donne la force de dire non et de cheminer dans son existence. »

« Une fois que l’on aura trouvé cet abri intime, on sera à même d’affronter le monde sans peur »

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