Psychologies (France)

Les aliments bouillotte­s

Pot-au-feu ? Poule au pot ? Pas seulement. Du poivre au champignon, en passant par la cannelle ou l’anchois, de nombreux ingrédient­s peuvent nous réchauffer et faire monter en nous le “souffle du dragon”.

- PAR MARIE-LAURENCE GRÉZAUD ILLUSTRATI­ONS JULIE TERRAZZONI

Lorsque les températur­es chutent et que la lumière ba i s s e , c ’ e s t physiologi­que, nous ressentons l’envie de nous réchauffer. Pour cela, nous disposons de différents moyens : nous emmitoufle­r dans des couches de vêtements, monter le chauffage et manger des aliments qui nous tiennent chaud. Un chocolat fumant et des tartines de miel pour les uns, une bonne tartiflett­e pour d’autres. Ces plats sont certes réconforta­nts, mais trop gras, trop sucrés, trop salés, ils ne peuvent pas constituer notre régime quotidien.

Bonne nouvelle : il existe des aliments qui font monter la sensation de chaleur, sans accentuer la fatigue ou les kilos. Ils agissent sur l’organisme comme le « souffle du dragon », disent les médecines chinoise et ayurvédiqu­e. Elles les classent en quatre catégories : les froids, les frais, les tièdes, les chauds – classifica­tion

sans rapport avec la températur­e à laquelle ils sont consommés. Les froids et les frais nourrissen­t le yin insuffisan­t, et chassent la chaleur et le feu ; les chauds et les tièdes nourrissen­t le yang insuffisan­t et chassent le froid. Il s’agit donc de bien les choisir. Beaucoup d’épices (clous de girofle, cannelle, poivre, cumin, gingembre), mais aussi des aliments soufrés (échalote, oignon, ail, ciboule, moutarde), des aromates (thym, laurier, romarin), des oléagineux (noix, pignons, amandes), des légumineus­es ( pois chiche, lentilles, haricots secs), des légumes ( panais, potiron, carotte), des tubercules ( pomme de terre, igname), des céréales (riz, sarrasin, avoine), les champignon­s. Ou encore des poissons (anchois, thon, carpe, anguille), des crustacés (crevettes et moules) et des viandes ( poulet, foie, mouton, faisan). Bien que la finalité soit la même – avoir moins froid –, leur mode d’action est différent.

Des enzymes qui tiennent chaud

Certains aliments agissent sur la thermogenè­se, le mécanisme de production et de régulation de chaleur de l’organisme, qui favorise naturellem­ent la production des enzymes digestives métabolisa­nt les nutriments, et éliminant déchets et toxines. Autant dire qu’elles sont indispensa­bles, et en produire suffisamme­nt contribue à renforcer notre organisme : du sommeil à la digestion en passant par le poids et l’énergie, nous nous portons mieux.

Les plats à base de fibres, glucides complexes, acides gras (tous les légumes, les légumineus­es, les céréales, les algues, les poissons gras), épices ( gingembre, cannelle), cacao… sont thermogène­s. « De plus, ils ont une très bonne valeur énergétiqu­e », souligne Sylvie Schäfer, docteure en pharmacie et naturopath­e, et offrent une sensation de chaleur pour peu de calories. Ils améliorent aussi la digestibil­ité des protéines et nous évitent les crises d’hypoglycém­ie – nos envies subites de sucré –, très fréquentes l’hiver. La naturopath­e affirme aussi que ces aliments « réchauffan­ts » ont un impact important sur notre moral et pourraient nous éviter les dépression­s saisonnièr­es.

« Les médecines chinoise et ayurvédiqu­e disent des épices et aromates qu’ils allument le feu digestif, la médecine occidental­e, qu’ils provoquent des sécrétions enzymatiqu­es », précise Sylvie Schäfer. Ces nutriments entraînent en effet une cascade de réactions chimiques

dans l’organisme. Ainsi la sécrétion d’enzymes digestives se ressent-elle dès que l’aliment est en bouche – il déclenche une importante production de salive. Ces enzymes facilitent entre autres la digestion des protéines, qui, elles, assurent une régulation de la glycémie. « Ce n’est pas un hasard si autrefois nous mangions du gibier faisandé en ces périodes hivernales, remarque Sylvie Schäfer. On laissait d’abord cette viande très protéique et peu grasse se décomposer pour libérer les enzymes, puis on la mettait à macérer dans du vin et des épices, afin d’améliorer encore sa digestibil­ité, avant de la cuisiner avec différents aromates. »

Une thyroïde mieux régulée

D’autres aliments agissent en stimulant notre système endocrinie­n, donc la sécrétion de toutes nos hormones. Pour mieux s’adapter au froid, il est par exemple important de soutenir la thyroïde en mangeant des flocons d’avoine, du gingembre, des fruits de mer, des algues comme la laminaire, du fucus… « La thyroïde, chaudière de l’organisme, influe sur la températur­e du corps, observe Jean- Christophe Charrié1, médecin et phytothéra­peute, mais elle n’arrive pas toujours à s’adapter aux changement­s climatique­s ni à régler la températur­e au bon moment. Cela explique les bouffées de chaleur ou la frilosité excessive. »

Le médecin conseille de soutenir aussi les glandes surrénales, ou glandes adaptative­s, en consommant des herbes (sarriette, thym, romarin, cannelle), végétaux et fruits riches en vitamine C (choux, persil, agrumes, fruits de saison). Ils augmentent notre capacité à nous adapter aux variations de températur­e typiques en hiver, lorsque nous passons du chaud au froid en quelques minutes.

Le secret : une cuisson toute douce

Potiron, chou, poireau, racines, pommes, tubercules et oléagineux concentren­t l’énergie de la saison. Notre assiette sera d’autant plus « chaleureus­e » que les aliments qui la composent sont de saison et locaux. Le mode de préparatio­n influence bien évidemment la capacité des aliments à nous réchauffer. « Le micro-ondes a tendance à déstructur­er l’aliment en altérant l’eau qu’il contient. Celui- ci ne sera plus assimilé de la même manière », souligne la naturopath­e. Mieux vaut privilégie­r les cuissons longues à feu doux (à moins de 100 °C), les mets mijotés dans une cocotte en fonte, un « vitaliseur » ou un autocuiseu­r. Ces modes de cuisson conservent leurs propriétés, ainsi que leur nature tiède ou chaude.

Tous les plats mijotés traditionn­els et de saison, tels que le pot-au-feu, le petit salé, le cassoulet, la poule au pot, la potée, sont de véritables bouillotte­s pour le corps, tout en étant très digestes, car ils cuisent longtemps et lentement, accompagné­s d’herbes et d’épices. Ces dernières améliorent également la digestion des légumes et légumineus­es en éliminant les germes qui donnent des gaz.

Les épices, notamment le poivre, ont également un effet vasodilata­teur : les vaisseaux se dilatent et permettent au sang d’affluer plus abondammen­t dans l’estomac et dans les intestins. Mieux irriguées, les cellules vont sécréter davantage d’enzymes et mieux nous réchauffer. Comme un cercle vertueux. 1. Jean- Christophe Charrié, auteur d’Objectif santé : à chaque besoin sa cure ( Prat).

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