Psychologies (France)

“Certains dialogues valent mieux que de longs discours”

Après les succès d’Intouchabl­es ou d’Hors normes, le duo de réalisateu­rs Éric Toledano et Olivier Nakache a piloté la réalisatio­n d’En thérapie. Leur idée : pointer la portée de la psychanaly­se. Et sa nécessité.

- Éric Toledano, coréalisat­eur

Psychologi­es : Vous vous êtes lancés, avec Olivier Nakache, dans l’adaptation française d’In Treatment. Projet audacieux. Vous aimez le risque ?

É.T. : Il se trouve qu’en 2009 nous avons eu l’occasion de voir BeTipul, la série israélienn­e à l’origine de la version américaine. Aussitôt, le concept nous a interpellé­s. Un épisode de la durée d’une séance d’analyse… L’idée paraissait saugrenue, mais on a été totalement tenus en haleine. D’autant que, avec Olivier, on adore quand le défi a l’air insurmonta­ble. De ce fait, montrer un paraplégiq­ue au cinéma, comme dans Intouchabl­es, était donc sans doute aussi risqué que de faire une série sur la psychanaly­se. Mais on l’a fait.

Pourquoi avoir attendu dix ans ?

É.T. : Ce sont les attentats du 13 novembre 2015 qui nous ont décidés. Cette vague d’attaques nous a laissé des séquelles : nous ne savions pas comment en parler à nos enfants, nos parents. Traumatisé­s, nous étions nombreux à éprouver le besoin de parler, d’être écoutés. Nous avons alors repensé à cette série. Il se trouve qu’à ce moment-là son créateur regrettait qu’elle ait été adaptée dans treize pays, mais pas dans les deux berceaux de la psychanaly­se que sont la France et l’Allemagne. Quand nous avons proposé le projet à Arte, la chaîne franco-allemande n’a pas hésité.

Le casting est français et le psy reçoit à Paris, en 2015. Avez-vous pris d’autres libertés par rapport à la version d’origine ?

É.T. : Nous avons convenu, avec l’auteur, que nous aurions une préoccupat­ion particuliè­re : popularise­r la psychanaly­se. Sans la vulgariser, c’est-à-dire sans la trahir, nous avions à coeur de la rendre accessible. Nous avons ainsi tenu à ce que celles et ceux qui ne connaissen­t pas les théories de Freud ou de Lacan puissent en comprendre quelque chose. Il y a certains dialogues qui valent peut- être mieux qu’un long discours. Quand Carole Bouquet, qui joue aussi une analyste, explique : « Ici, on vient dire des mots que l’on ne veut surtout pas dire ailleurs », je pense que chacun peut entendre l’espace de liberté que peut être une séance analytique.

Votre série illustre aussi le fait que la psychanaly­se n’est pas un procédé dépassé et réservé à une élite…

É.T. : Nous vivons à une époque qui voue un culte à l’instantané­ité, comme si nous devions tout immortalis­er en permanence. La contrepart­ie : nous n’avons plus le temps de nous écouter, et cela nous manque. En dépit des injonction­s à la rentabilit­é, nous éprouvons l’envie de souffler et de nous interroger. En ce sens, la propositio­n de la psychanaly­se me semble d’une grande modernité.

Avez-vous fréquenté le divan pour en parler aussi bien ?

É.T. : Oui, notamment parce qu’il me permet de mettre en récit les événements de ma vie. Mais mon intérêt pour la science de Freud est antérieur à mes propres expérience­s de cure. J’ai toujours pensé que celle- ci permettait de remettre en cause ses propres préjugés. Évidemment, ce n’est pas un remède universel : profitable à beaucoup, il doit arriver qu’elle ne convienne pas. Mais, pour moi, chaque séance est l’occasion d’accéder à une deuxième lecture de ce que je vis. Propos recueillis par S.T.

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