Plus on s’aime, MOINS ON SE COMPREND ?
Lorsque nous communiquons, le degré d a ection que nous portons à notre interlocuteur est à considérer : les émotions créent en e et des interférences… qui brouillent nos messages. Voici cinq écueils à éviter pour couper court aux malentendus et autres in
Contre toute attente, il peut être plus facile d’énoncer ce qu’on pense et ce qu’on ressent à notre voisine qu’à notre partenaire, moins éprouvant d’accueillir les émois de notre collègue que de notre enfant. Thomas d’Ansembourg, psychothérapeute, et Arnaud Riou, enseignant spirituel, le concèdent : l’intimité crée des interférences dans la communication. Les deux spécialistes analysent cinq de ces écueils qui parasitent nos échanges. Et donnent des clés pour mieux interagir.
LE FANTASME DE LA FUSION
Lapremière impasse repose sur une illusion. «Si on s’aime, on se comprend, croit-on. Enfermé dans une posture un peu infantile, on estime que l’amour su t à faire passer un message, qu’un seul regard permet de le saisir », observe Thomas d’Ansembourg. Celui ou celle qu’on connaît par coeur –et réciproquement– devrait nous comprendre à demi-mot, savoir ce dont on a besoin, anticiper nos désirs comme nos peurs. Ce qui nous épargnerait en chemin de le verbaliser… «C’est une confusion pernicieuse: on tait ce qu’on a besoin de dire, et au bout d’un moment on explose.» Avec le reproche tout trouvé que l’autre aurait dû deviner.
La clé. « Mieux vaut quitter cette pensée binaire et manichéenne en s’éloignant du fantasme de la fusion», conseille le psychothérapeute. Notre interlocuteur a ses propres émotions et besoins, il ne possède pas toutes les clés pour décrypter ce qui se passe dans notre tête, notre coeur. Il convient donc d’apprendre à le reconnaître et à l’exprimer clairement. «La parole est créatrice, reprend Arnaud Riou. Plus les mots que l’on emploie sont précis, plus la relation est constructive et épanouissante.»
L INTENSITÉ DES ÉMOTIONS
“Ce
qui voile la clarté de la communication, c’est l’émotion, poursuit-il. On craint de blesser, d’être jugé ou rejeté; on est en colère contre l’autre qui ne fait pas ce qu’on espère, qui ne dit pas ce qu’on attend; on est triste parce qu’on se sent déçu ou frustré.» Notre vie dépendant davantage d’un conjoint ou d’un parent que du boulanger, les risques inhérents à toute interaction sont majorés. « On est rapidement sur ses gardes, on perd confiance, en soi, en l’autre et en la relation, ce qui provoque de la tension, de l’appréhension et de la division», constate Thomas d’Ansembourg.
La clé. « Parce que l’intrication affective génère une intensité émotionnelle qui ne nous est pas familière, il est important d’être plus attentif que d’habitude
aux émotions suscitées par nos échanges », suggère ce dernier. Quelles sensations éprouve-t-on ? La peur, l’agacement ou le chagrin sont-ils présents, pesants ?
Mûprécieuse, on préfère parfois éviter les sujets qui fâchent parce qu’ils laissent planer le danger d’une éventuelle rupture ; ou on les anticipe, terrorisé par l’idée qu’ils puissent y mener. La clé. « On peut apprendre à observer pour mieux se méfier de la mécapartir du précédent constat, on pourra nique de ce prisme déformant et s’entraîner nd s’engager dans l’introspection. « Tout ce qu’on à écouter sans transformer », conseille le psychothéravoit en l’autre, c’est en soi qu’on le voit, explique peute. Par exemple, sans intervenir, en silence ; ou en Arnaud Riou. Selon le principe du miroir, quand il ou répétant les phrases de l’autre, tel un perroquet : « Ce elle nous déstabilise, c’est soit parce qu’il nous resque tu me dis, c’est… », « Lorsqu’on s’exerce à l’écoute semble, soit parce qu’il incarne quelque chose qu’on et à la reformulation, on prend rapidement conscience réprime, soit parce qu’il nous rappelle quelqu’un. » Ce de ce mauvais réflexe de l’interprétation. » qu’il fait ou dit est moins problématique que la façon dont ses actes ou ses paroles entrent en résonance avec notre propre histoire, une résonance proportionnelle à l’importance du lien. La clé. Là encore, la vigilance s’impose : à quoi cette interaction fait- elle écho ? Que réveille-t- elle de nos blessures, de nos désirs, de nos attentes ? « Les êtres qui nous font le plus travailler notre communication sont nos parents, nos enfants et nos partenaires, estime-t-il. C’est la voie royale pour ouvrir son coeur et développer sa conscience, même si elle est souvent semée d’embûches. »
L ERREUR DU MIROIR
ÀL ILLUSION DES INTERPRÉTATIONS
Quatrième
piège de l’amour dès qu’il s’agit de communiquer, le malentendu, qui, comme son nom l’indique, révèle qu’on entend mal. « Très souvent, on entend ce qu’on veut bien entendre (et on reste sourd à la demande de l’autre) ; ou, à l’inverse, ce que l’on craint d’entendre (et l’on prend mal ladite demande) », rappelle Thomas d’Ansembourg. Quand la relation est
LA CHIMÈRE DE L HARMONIE
par la volonté de vivre en harmonie avec la personne qui nous est chère, on a bien du mal à supporter ces moments où « il faut qu’on parle ». Alors on cherche coûte que coûte une solution pour faire la paix. « Ce peut être une erreur, témoigne Arnaud Riou. Les incompréhensions sont inconfortables mais humaines. Il est important d’accueillir le désaccord, d’accepter la disharmonie. Vouloir être heureux tout le temps est le meilleur moyen de rester malheureux. »
La clé. Inutile parfois de se précipiter. Se parler, s’écouter, se remercier d’avoir pu échanger, se laisser respirer et se promettre d’en reparler dans quelques jours sera plus constructif. « Beaucoup de conflits sont envenimés par la pression d’en sortir. Nous ne sommes pas des machines mais des êtres vivants ! La relation elle-même est un processus vivant. Le temps est donc un ingrédient précieux », assure Thomas d’Ansembourg. Et, justement parce que l’amour est là, une solution apparaîtra au- delà de nos ego.