Enfance blessée : le temps de la renaissance
Pourquoi certains enfants bousculés, parfois fracassés par la vie, parviennent-ils à s’en sortir ? Par quel « hasard, chance ou miracle » un mauvais départ peut-il être pansé, désamorcé par la « vitalité » ? Il y a peu d’énigmes aussi vertigineuses et nulle recette de « résilience » – mot « usé » que l’auteur se garde d’employer. Seuls comptent les parcours individuels à observer. Les destinées à entendre. Les métamorphoses à eeurer.
Journaliste au Monde, Florent Georgesco a suivi pendant deux ans des jeunes placés en foyer dans le Vaucluse. Pas n’importe quels jeunes : celles et ceux qui semblaient condamnés et qui sont devenus contre toute attente des adultes épanouis. « Que l’on puisse renaître : rien ne me remue davantage », écrit d’emblée l’auteur, avant de donner la parole à Tricia, Souleymane, Bob ou Schouka… Ces gamins ont subi la violence ou l’abandon, ont été placés aux Matins bleus, à Cavaillon, par l’aide sociale à l’enfance. Après quelques soubresauts, ils sont parvenus à repartir sur de bons rails, fonder une famille, obtenir des diplômes.
Le journaliste souligne le rôle prépondérant des éducateurs spécialisés dans un contexte de crise de la pédopsychiatrie et d’« errance » de la prise en charge. Aujourd’hui, un mineur sur cinquante dépend de la protection de l’enfance ; un quart des SDF sont d’anciens enfants placés. Sans ignorer cette réalité, Georgesco opte pour le contrechamp – l’exception contre la règle. Il prend le parti de la lumière, raconte à la fois « le chaos des débuts et les bifurcations qui sauvent ». Alternant les témoignages et les observations personnelles, il traque avec finesse le lieu secret où se nichent les ressources vitales, l’origine de l’élan, de la confiance. « Le temps porte tout, écrit-il. L’espoir et les métamorphoses, le frémissement de la vie […], le refuge merveilleux de l’inconnu, quand cesse la répétition du malheur. »