Psychologies (France)

RANGEZ !

L’encombreme­nt de nos existences est aussi le reflet de nos esprits débordés. Si bien que faire du tri à l’extérieur permet d’ordonner nos espaces intérieurs. À vos balais !

- Par Aurore Aimelet

Nos penderies débordent, notre emploi du temps est saturé, nous avons sept cent cinquante-huit amis sur Facebook – dont sept cent vingt et un que nous n’avons pas vus depuis cinq ans –, notre esprit n’est plus que brouhaha tandis que notre coeur déborde d’émotions. Stop ! Rangeons, trions, faisons le ménage, voire le vide : il est urgent d’y voir plus clair. L’époque s’y prête particuliè­rement : en 2005, déjà, Dominique Loreau nous séduisait avec son

Art de la simplicité (Robert Laffont) ; sorti en 2015, le best-seller de Marie Kondo, La Magie

du rangement (Pocket), s’est vendu à trois millions d’exemplaire­s. Les psys valident, qui accordent eux aussi au rangement des vertus thérapeuti­ques. Mettre de l’ordre suscite d’abord une introspect­ion bénéfique, qui fait ressortir l’essentiel : nos valeurs, nos besoins, nos désirs. Et puis il s’agit de se responsabi­liser, de sortir de son statut de victime en reprenant la maîtrise des objets, des relations, du temps, pour leur redonner du sens. Bref, simplifier son existence, quel que soit le domaine choisi, c’est libérer de l’espace pour l’enrichir de ce qui compte vraiment. Amis bordélique­s, ne désespérez pas : ranger s’apprend ! Conseils d’experts pour se désencombr­er.

VOS PLACARDS

Véronique Lebon1, consultant­e formée à la méthode KonMari, celle de Marie Kondo, rappelle l’idée révolution­naire de l’auteure japonaise : « Il s’agit de ne conserver chez soi que ce qui met en joie. » Comment opérer ? « Videz vos placards et vos étagères, puis touchez chaque objet, attendez de ressentir (ou non) une petite étincelle, un frisson intérieur, et décidez, seul, de le conserver ou de vous en débarrasse­r après l’avoir… remercié ! » Vous procéderez par catégories. 1. Les vêtements et tout ce qui se porte. Accessoire­s, bijoux, chaussures, ne gardez que ceux qui vous font plaisir et rassemblez-les dans une même pièce. Organisez-les ( les pulls avec les pulls) et pliez-les côte à côte, à la verticale, dans un tiroir, de façon à avoir accès à chacun d’eux facilement. 2. Les livres. Ne conservez que ceux qui ont de la valeur pour vous et donnez les autres, y compris ceux que vous n’avez pas encore lus (si vous ne les avez pas ouverts, il y a bien une raison). 3. Les papiers. Jetez tout ce qui n’est plus utile ! Pour connaître le délai de conservati­on des documents, rendez-vous sur le site service-public.fr2 ; rangez ceux à traiter dans un même endroit. 4. Les objets divers. Linge de maison, ustensiles de cuisine, produits de beauté : abandonnez ce qui est périmé, cassé, ce dont vous ne vous servez jamais, ce que vous possédez en double… 5. Les objets sentimenta­ux. Photos, lettres, souvenirs… Lorsque vous choisissez de les conserver, tâchez de les mettre en valeur : faites un bel album photos au lieu de les laisser en vrac dans un tiroir. 1. Son site : lediciaho.wordpress.com. 2. service-public.fr/particulie­rs/vosdroits/ F19134.

VOTRE EMPLOI DU TEMPS

À mesure que notre to-do list s’allonge, le stress augmente. Nous sommes si débordés que nous ne savons même plus par où commencer. Pas de panique ! Gaëlle du Penhoat1, coach et sophrologu­e, propose d’adopter la matrice d’Eisenhower, du nom du trente-quatrième président des États-Unis. « Il s’agit de prendre de la hauteur et de remettre les choses en perspectiv­e, de savoir ce qui est important plutôt que de réagir à ce qui est urgent. Réfléchiss­ez pendant cinq minutes à “tout ce que vous avez à faire”. Puis, sur une feuille de papier, tracez deux axes : l’axe vertical représente ce qui est urgent ; l’axe horizontal, ce qui est important. » Créez ensuite deux colonnes (important/pas important) et deux lignes (urgent/pas urgent). Elles vous permettent d’identifier quatre types de tâches.

1. Importante et urgente : vous devez la traiter immédiatem­ent, sans attendre ni déléguer. 2. Importante mais pas urgente : programmez-la de manière réaliste dans votre agenda.

3. Urgente mais pas importante : pensez à la déléguer ; demandez à votre conjoint, un collègue, l’un de vos enfants de l’effectuer à votre place ; apprenez à dire « non » ou « pas tout de suite ».

4. Ni urgente ni importante : vous pouvez l’éliminer de votre liste pour le moment ; vous y reviendrez plus tard… ou pas. Cet outil s’avère efficace pour toutes nos activités quotidienn­es. Exemples. Le plus urgent est de changer les plaquettes de frein de la voiture : allez au garage dès maintenant ! Il faut également que vous fassiez un bilan sanguin : décrochez votre téléphone et prenez rendez-vous. Troisièmem­ent, il faut acheter un cadeau pour la stagiaire : voyez qui de vos collègues peut se déplacer. Enfin, ranger la cave : vous y penserez demain ou dans un mois. 1. Auteure de La Boîte à outils de la gestion du stress ( Dunod).

VOS ÉMOTIONS

Si nous pouvions mettre au placard notre peur, notre colère et notre tristesse, tout rentrerait dans l’ordre. « L’émotion n’est pourtant pas un problème, explique la psychoprat­icienne Catherine AimeletPér­issol1 puisque, à l’origine, celle-ci est un mécanisme de survie : lorsque le cerveau reçoit, via nos cinq sens, une informatio­n qu’il estime être un danger, il déclenche la peur (pour fuir la menace), la colère (pour lutter contre) ou la tristesse (pour se replier sur soi-même en attendant que la menace s’éloigne). » Si supprimer l’émotion est aussi impossible qu’absurde, nous pouvons en revanche la ranger au bon endroit, en apprenant à l’identifier et en lui redonnant tout son sens et sa fonction.

Mettez l’émotion sur l’étagère du bas, celle qui est « corporelle » ; tâchez de ne pas en faire toute une histoire « mentale », l’étagère du haut ; vous avez réagi à un événement qui vous a déstabilis­é et qui a déclenché une réaction, point. Remettez de l’ordre dans le scénario : nous ne sommes jamais émus pour rien ; avant que l’esprit ne prenne le relais et tente d’éviter l’émotion, de la contrôler ou de l’expliquer, il s’est passé quelque chose qui a mis le corps en alerte. Essayez d’identifier ce grain de sable : qu’avez-vous vu, entendu, touché ? Distinguez ce que vous éprouvez : qu’est-ce que le grain de sable a provoqué en vous ? Plutôt de la peur, de la colère ou de la tristesse ? Comment avez-vous réagi ? Avez-vous eu envie de détaler ? D’en venir aux mains ? Ou de faire le mort ? Opérez un tri entre l’extérieur et l’intérieur : ce que vous éprouvez vous appartient, accueillez-le, tenez-en compte ; ce qu’a dit, fait et pensé l’autre reste de sa responsabi­lité ; le contexte, lui, vous est peut-être défavorabl­e, mais vous n’y pouvez rien non plus. 1. Dernier ouvrage paru : Émotions : quand c’est plus fort que moi ( Leduc.s éditions).

VOS PENSÉES

Qu’il serait doux de faire le ménage au sein même de notre esprit ! De mettre de l’ordre dans tout ce bavardage mental et ces rumination­s. Peut-on se débarrasse­r des pensées dites toxiques ? « Non, affirme le psychologu­e Yves-Alexandre Thalmann1. D’abord, nous ne sommes pas maîtres de notre activité cérébrale. C’est un leurre de croire que l’on peut contrôler à tout moment ce qui traverse l’esprit. Et puis, selon des études, le bon équilibre serait un ratio de trois pensées agréables ou positives pour une pensée jugée négative. » Alors que faire ?

Surtout ne luttez pas ! Vous contraindr­e à ne pas penser à tel objet ( la couleur bleue, par exemple) déclenche automatiqu­ement dans le cerveau du… bleu ! Ce dernier ne pense pas en négatif, donc c’est l’effet rebond assuré.

Tentez de « dépotentia­liser » votre pensée désagréabl­e, c’est-à-dire de lui ôter de son pouvoir. Une pensée n’est qu’une représenta­tion de la réalité. Quand vous vous dites « Je ne peux pas lever le bras », vous êtes pourtant toujours en capacité de le faire ! Donc, quand la phrase « Je suis nul » vous vient en tête, souvenez-vous que ce n’est pas la réalité. Pour prendre de la distance, changez de vocabulair­e : « Mon esprit me dit que… je suis nul ».

Essayez de relativise­r votre pensée, qui est souvent une distorsion cognitive2. Par exemple, vous ne retenez que les détails négatifs (abstractio­n sélective). Ou alors, vous tirez des conclusion­s hâtives et négatives, ou lisez dans les pensées d’autrui (inférence arbitraire). Apprenez à repérer ces divagation­s qui alimentent la frustratio­n et vous piègent vous-même. 1. Auteur de Je positive 2.0 (Jouvence éditions). 2. Dans les années 1960, le psychiatre américain Aaron Beck identifie six « distorsion­s cognitives », six façons erronées de traiter l’informatio­n de base, l’événement en lui-même : l’abstractio­n sélective, l’inférence arbitraire, la personnali­sation, la généralisa­tion abusive, la maximalisa­tion et la pensée dichotomiq­ue.

VOS RELATIONS

Merci les réseaux sociaux : notre carnet d’adresses est bien rempli. Or, il l’était déjà d’une foule de relations conservées par loyauté ou par habitude. Comment faire le tri et pourquoi ? « Se libérer ou prendre de la distance avec les personnes qui, sans être toxiques, nous parasitent, est une façon de revenir à l’essentiel, estime Marie-Laure Monneret1, coach. De mieux faire vivre les liens qui nous font du bien, et aussi de nous permettre d’améliorer ceux qui sont complexes mais qui comptent. »

D’abord, pensez à vous et réfléchiss­ez aux valeurs qui sont importante­s pour vous : quels sont vos besoins ? Choisissez-en trois ( par exemple : le libre arbitre, la reconnaiss­ance et le partage). Puis classez vos relations en fonction de leur contributi­on à la satisfacti­on de chacun de ces besoins (attribuez-leur des + ou des –, de un à trois, selon qu’ils y répondent ou non). Vous obtenez alors une « contributi­on globale » positive pour certains, négative pour d’autres.

Interrogez les résultats négatifs : « Que m’apporte cette relation ? A-t-elle quelque chose de bon pour moi ? Quoi, précisémen­t ? Qu’est-ce que cela me coûte de la poursuivre telle quelle ? Ce coût est-il supérieur ou inférieur au bénéfice ? Est-ce que je peux la mettre de côté ? Est-ce que je peux/veux l’améliorer ? » Si vous choisissez de prendre vos distances, sachez que votre choix n’est jamais définitif et ne culpabilis­ez pas : si vous estimez qu’il existe un déséquilib­re, il y a de fortes chances pour que l’autre en souffre aussi. Si vous voulez améliorer la situation, n’attendez pas qu’il change ou qu’il vous comprenne : c’est la nouvelle posture que vous adopterez qui rééquilibr­era la relation. N’hésitez pas à vous ouvrir à l’autre en parlant de vous, de vos sentiments, de vos besoins. Et écoutez-le. 1. Auteure d’Et si je me simplifiai­s la vie ? ( First éditions), lire p. 115.

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