Mon nombril et moi
À l’heure de l’« egotrip » et du culte de l’image, notre narcissisme
semble être mis à mal : les pervers narcissiques envahissent nos foyers, et les ego boursouflés (au point d’en devenir « gonflants ») se répandent, que ce soit au travail, dans la sphère privée ou sur le Net. IRL ( in real life), les « moi-je » s’affichent dans toute leur splendeur… ou leur horreur. Pour autant, affirmer que nous vivons dans une société qui a érigé le moi en icône et Narcisse en héros des temps modernes ne suffit pas pour régler son compte au narcissisme. Ce serait bien trop simple de le réduire à un excès d’ego : le psychiatre Jean Cottraux rappelle qu’en avoir « un peu […] est nécessaire à la vie et […] beaucoup […] peut même aider certaines personnes douées à libérer leur créativité ». Et puis il a plusieurs visages : flamboyant, provocateur, tyrannique… Il faut distinguer l’égocentrique (celui qui tire la couverture à lui, le don Juan, la femme fatale qui met les hommes à genoux, l’impatient qui refuse de faire la queue…) des personnalités narcissiques, qui mènent « un style de vie […] en perpétuelle inflation de soi ». Dans cet ouvrage passionnant – déjà une référence –, l’auteur établit aussi bien une histoire de cette notion (du mythe d’Ovide à Freud en passant par les dernières recherches et études sur le sujet) que son incarnation (voire ses transformations ?) contemporaine (réseaux sociaux, nouvelles générations). Il enrichit son propos de faits divers ( l’affaire Romand), d’exemples issus du quotidien, et consacre tout un chapitre aux personnalités narcissiques célèbres. Enfin, il nous invite à tester notre propre narcissisme. Un livre qui remet nos ego à leur place : pas toujours celle qu’on imagine. Elsa Godart