Un jardin pas comme les autres
Des cascades de fleurs, des herbes aromatiques et même quelques effluves du potager. Les parfums du jardin nous offrent une familiarité réconfortante et une naturalité bienvenue, hors des sentiers battus.
Même les citadins élevés en appartement ont en mémoire un coin de verdure, où ils construisaient des cabanes en été, où ils lézardaient à l’adolescence. Un paradis perdu, chéri et parfois fantasmé. « J’avais envie depuis très longtemps de revenir à mon enfance, que j’ai passée en Sicile, raconte Valérie Pianelli Guichard, à la tête de la maison Comptoir Sud Pacifique. Je me suis souvent promenée dans les jardins d’agrumes de la Conca d’Oro, la plaine qui entoure Palerme, où poussent les mandariniers, les citronniers, les orangers… Je me souviens de l’odeur puissante et envoûtante des fleurs au printemps et, en hiver, des fruits qui embaumaient l’air. »
Elle a donc composé une collection de trois jardins siciliens : l’un se trouve proche des bords de mer, les notes d’arbres fruitiers s’y mêlent aux accents marins et salés ; le deuxième est un verger en pleine campagne, on y sent des aromates et du bois de cèdre ;
le troisième est un cloître sicilien – un jardin intérieur donc –, la mandarine s’y marie à l’orange sanguine, soit l’ambre et la myrrhe comme un hommage au mélange des cultures orientales et occidentales.
Une promenade en enfance
Ces jardins où se promènent nos souvenirs excitent l’imagination et caressent la mémoire. « J’ai passé toute mon enfance dans le jardin de ma grand-mère, une herboriste passionnée, évoque Véronique Nyberg, parfumeur et vice-présidente de la création parfumerie fine de Mane. Nous passions nos vacances à préparer des décoctions d’herbes et à cueillir les fleurs. Je me souviens des narcisses et des jonquilles que l’on ramassait au mois de mai, des tisanes de tilleul, du romarin que l’on faisait sécher… Cela a façonné ma culture olfactive avant même que j’en prenne conscience. Aujourd’hui, lorsque j’utilise la lavande dans mes créations, c’est une déclinaison du jardin de mon enfance. »
Bien sûr, ce sont d’abord les fleurs qui inspirent les parfumeurs, et la palette est infinie. On pense aussitôt au jasmin délicat, au chèvrefeuille courant sur une pergola, au gardénia devant une porte d’entrée, aux touffes de fougères et aux massifs de géraniums… « Et si l’on préfère les allées du jardin du Luxembourg, il faut imaginer la rose ou le buis », suggère Domitille Berthier, parfumeur, qui, pour créer ses jardins olfactifs, ne se limite pas à une région. « J’utilise des ingrédients subterfuges, confie-t-elle. Pour donner l’impression du sous-bois, un effet de terre mouillée, de mousse humide, je glisse des feuilles de patchouli d’Indonésie. »
Une sensation proche du réel
L’idée du jardin est un motif classique, exploré par les parfumeurs depuis plusieurs décennies. Ils sont particulièrement présents dans les collections plus confidentielles, où il n’y a pas besoin d’égérie pour éveiller l’imagination. Ces édens sont plus vivants que jamais, car ils font vibrer notre envie de naturalité. « Même les parfums gourmands, façon bonbon Haribo, perdent leur côté synthétique pour devenir plus naturels », poursuit Domitille Berthier.
Les fragrances actuelles jouent le jeu de la modernité avec des notes de tête qui évoquent les pétales, comme si on plongeait littéralement le nez dans la fleur. Une sensation proche du réel rendue possible par les nouvelles techniques d’extraction, qui se sont raffinées. Elles permettent de créer des jus très « figura-